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Islamiqua | L'islam et son image
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1 novembre 2007

Démocratie pour tous ? (3) : L’islam politique, ennemi de la démocratie

Democratie_3

Pour pouvoir répondre à la question de la compatibilité de l’islam et de la démocratie nous devons donc faire la différence entre les différents islams que nous connaissons : l’islam religion, l’islam relation personnelle entre l’individu et son Créateur d’une part et l’islam politique, l’islam comme idéologie d’autre part.

Mais pour faire cette distinction, il est impératif que notre démarche soit exclusivement scientifique. Car toute autre démarche pourrait instaurer la peur. Un sentiment effroyable, capable de paralyser toute société dans laquelle il s’installe. Je le dis donc clairement : faire la distinction entre islam spirituel et islam politique et tirer la sonnette d’alarme par rapport à la propagation de ce dernier, n’a rien à voir avec la politisation du phénomène islamiste et son utilisation abusive par les politiques du monde entier pour instaurer la peur dans leur sociétés.

Car cette peur peut nous coûter très cher en terme de démocratisation comme le résume parfaitement  le journaliste turque Hasan Cemal dans un éditorial intitulé « L’épouvantail du fondamentalisme » dans lequel il décrit une situation connue par la majorité des pays musulmans.

En effet, selon Cemal, « en tentant d’effrayer la population, certains font en sorte que la primauté de la démocratie et de la justice tarde encore à devenir une réalité dans ce pays. Cette peur n’est distillée que dans le but de préserver les privilèges antidémocratiques de certains, qui peuvent ainsi garder le monopole de la tutelle qu’ils exercent encore sur l’ensemble de la société. (…) Mais au rayon des épouvantails politiques à utiliser le cas échéant, il en est un qui fait toujours fureur : le fondamentalisme musulman. Au nom du principe que trop de démocratie et d’Etat de droit ouvrirait la voie à l’intégrisme, un Etat de droit démocratique n’a pu se développer chez nous. Pendant des années, l’honorable presse turque s’est servie de tous les symboles payants pour effrayer l’opinion : la barbe, le tchador, le chapelet et maintenant … le voile. »[1]

Je suis parfaitement d’accord avec cette analyse sauf que j’aurais une précision à faire à savoir qu’on ne doit pas oublier le danger qui peut venir des partisans d’un islam politique. Non, il ne faut pas faire d’eux un épouvantail. Il ne faut pas vivre dans la peur. Il ne faut pas bloquer les réformes démocratiques… mais il ne faut pas non plus fermer les yeux sur leurs activités. Car l’idéologie qui les anime est extrêmement dangereuse à partir du moment ou pour eux l’islam dépasse le cadre strictement personnel de la croyance pour présenter des réponses à tous et devenir un système politique global.

Sayyed_QutbEn effet, « Il existe une interprétation de l’islam non seulement comme explication de la conscience individuelle mais comme un système politique global, une réponse à tous les problèmes de la vie et, plus encore qu’une réponse, une incitation à l’action. Cette philosophie de l’islam politique trouve son origine chez les penseurs qui sont tous apparus dans les cent dernières années : Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, Sayyed Qutb et Maududi, fondateur du Jammaat-e-Islami, un mouvement très actif au Pakistan, au Bangladesh et au Royaume-Uni. Selon eux, nous devons tous reconnaître la souveraineté d’Allah non seulement dans le cœur des croyants mais sur la terre entière. »[2]

Or, le danger de la pensée de ces hommes vient du fait que pour eux, comme c’est le cas de Sayyed Qutb, l’islam n’est pas une religion privée, partielle, individuelle. « L’islam est un ordre intégré complet, dit Qutb, un axe fixe autour duquel tourne la vie dans un ordre précis. » Et partant, tous les aspects de notre vie, aussi bien privés que publiques, individuels que collectifs, doivent être commandés par l’autorité divine. « Cela s’applique au mariage, à la nourriture, à l’habillement, aux contrats, à toute activité et travail, à toute les relations sociales et commerciales, à tous les us et coutumes. »

Inutile donc de parler à quelqu’un qui vous oppose l’islam politique, d’une quelconque séparation entre le profane et le sacré, le religieux et le laïc et encore moins la mosquée et l’Etat.  

C’est ce genre de séparation, selon Qutb et ses disciples, qui a engendré la crise des civilisations des temps modernes. « Le grand malaise contemporain –êtres humains déboussolés au cœur de la prospérité apparente, guerres mondiales, dépravation des mœurs- provient pour lui d’une seule erreur fatale : avoir séparé Dieu du monde. C’est à cela qu’il faut mettre un terme. »[3] 

Et c’est justement de là que provient tout le danger de l’islam politique.

Pour les tenants de ce discours, la parole ne suffit pas. Il faut agir, il faut rétablir l’autorité de Dieu sur terre.

Et la méthode de ce rétablissement sera exposée par Qutb : « Ce que les musulmans doivent combattre, en eux même comme au-dehors, se nomme la jahiliyya [l’ignorance]… La jahiliyya est devenue, aujourd’hui, totale et mondiale. L’alliance avec Dieu est rompue. Les hommes croient pouvoir décider à sa place, ce qui est la pire des offenses…

L’islam a perdu le rôle offensif et le leadership qui, selon Qutb, doivent être les siens. Il s’agit de les restaurer par la lutte. La guerre la plus acharnée doit être menée contre les pires ennemis, les faux musulmans, les musulmans de nom, de nom seulement. Sous couvert d’islam, ils accroissent en fait la jahiliyya en séparant les hommes de Dieu par la laïcité de l’Etat ».

Qutb préconise, après l’élimination de la nouvelle jahiliyya, l’instauration de la hakimiyya, qui peut se traduire par le règne de l’autorité de Dieu :

« Seul ce règne absolu pourra garantir la liberté, puisque aucun humain ne sera plus soumis à aucun autre. Le règne de Dieu mettra un terme à toute dictature humaine. C’est donc seulement avec l’instauration universelle de la Shari’a, l’ensemble des preceptes pratiques du Coran, que prendra fin l’errance de l’humanité. On coupera donc partout la main des voleurs, toutes les femmes cacheront leurs corps et toutes seront lapidées à mort en cas d’adultère. »

Mais cette guerre à laquelle sont invités les disciples de Qutb ne concerne pas les faux musulmans seulement mais également les chrétiens et les juifs.

« Depuis les premiers jours de l’islam, écrit Qutb, le monde musulman a toujours du affronter des problèmes issus de complots juifs », ou encore « En vérité, ce sont des juifs qui soutiennent la plupart des théories maléfiques visant à détruire toutes les valeurs et tout ce qui est sacré pour l’humanité. »

Enfin, « toute ‘‘liberté de non croyance en Dieu’’ est refusée. Toute coexistence religieuse est inconcevable, sauf tactique-temporaire. L’islam doit s’assurer le leadership total sur l’humanité. ‘‘Son objectif est la terre entière’’, souligne Qutb. A terme, il s’agit d’instaurer un Etat islamique mondial, un règne planétaire de la Sahri’a. »[4]           

C’est cette vision de l’islam qui ne peut être compatible avec la démocratie. C’est cette conception qu’il s’agit d’expliquer d’abord et de combattre ensuite. C’est l’islam politique qui est l’ennemi de la démocratie. Et notre peur de cet islam politisé ne doit pas nous faire renoncer à continuer à avancer. Ce n’est qu’ainsi que nous le battrons et que nous instaurerons des démocraties dans le monde musulman.

 

   


[1] Courrier International, n° 883, p. 47

[2] Courrier International, n° 883, p. 46

[3] « Le maître à penser de l’islamisme radical », Le Point, n° 1669, p. 70

[4] Ibid, pp. 72-73

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