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Islamiqua | L'islam et son image

Islamiqua | L'islam et son image
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4 janvier 2012

M. Marzouki, un président (déjà) en… campagne !

moncef_marzouki_president

Décidemment le nouveau président Tunisien Moncef Marzouki n’arrête pas de susciter les polémiques les unes après les autres. S’il termine ainsi il aura une belle collection d’ici la fin de son mandat (prévu tout juste dans une année et demie). Déjà on n’arrive plus à les compter : depuis son 1er discours adressé au peuple il y a un peu plus de deux semaines (le 13 décembre) et jusqu’à ses déclarations en Libye (à l’occasion de son 1er voyage à l’étranger en tant que président), en passant par ses vœux pour le nouvel an 2012, le président n’arrête pas de commettre les bourdes l’une après l’autre.

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Dépasser la polémique des « safirat » (terme qu’il avait utilisé pour qualifier les femmes non voilées), le voici qu’il surprend tout le monde avec ses propositions d’union avec la Libye, alors que beaucoup de tunisiens n’ont pas encore dépassé leur étonnement suite à ses déclarations à l’occasion des vœux présidentiels pour 2012 et ou il n’a rien trouvé de mieux à dire que « fêter le nouvel an n’est pas dans nos traditions arabo-musulmanes » !

D’ailleurs, de toutes les bourdes commises par le président j’aimerai m’arrêter principalement sur cette dernière. En effet, M. Marzouki, ex président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme que ses amis (comme ses adversaires) présentent comme un homme résolument laïc n’en fini pas de nous étonner avec ses références identitero-religieuses à chaque fois.  Est-il obligé de présenter ses vœux ? Non. Pourquoi alors ce type de remarques qui finissent toujours par détourner l’attention des gens du vrai message ? Mystère ! Remarque amusante d’une tunisienne indignée sur Face book : « La transmission télé, les caméras et les micros non plus..... va faire ton discours dans une grotte à la lueur d'une chandelle .... ».

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Mais plus sérieux maintenant, la question du pourquoi de ce comportement présidentiel est intéressante à poser. Pour avoir la réponse il est intéressant de voir l’image que nous avons aujourd’hui : Un président tunisien issu d’une tribu du sud qui s’affiche ouvertement avec l’habit traditionnel de sa région (barnous, alors qu’il ne l’avait jamais fait auparavant), qui désormais a un refus dogmatique du port de la cravate, qui commence tous ses discours avec la salutation islamique « assalamou alikom wa rahmatou allah » (en exagérant la formule et en innovant  puisqu’il salut 3 fois de suite)…

Est-ce la fonction présidentielle qui a autant (déjà) changé M. Marzouki ou bien il existe d’autres raisons ? Je pense effectivement que la réponse est a cherché loin de la transformation des hommes par le pouvoir, car à résumer les comportements du président de la république, je constate que nous nous trouvons face à quelqu’un qui utilise à la fois le populisme et le religieux. Pourquoi ? N’oubliez pas que les 2 premières forces politiques du pays ont obtenus (à l’occasion des élections du 23 octobre) les scores que vous connaissez justement parce que la 1ere a utilisé un discours religieux et la deuxième un discours populiste. Vous avez ainsi compris exactement le fond de ma pensée ! Oui le président Marzouki qui n’est maitre du palais de Carthage que depuis moins d’un mois est déjà en campagne mais cette fois… pour les élections présidentielles au suffrage universelle. Sa tactique ? Dupliquer les recettes qui ont déjà fonctionnées avec les autres. En tout cas c’est ou bien ca ou bien toutes ces erreurs de communications proviennent d’un homme qui n’a peut être « rien d’autre à faire que donner des déclarations à la presse et découvrir les salons de Carthage » comme me l’a dit ironiquement un membre de l’Assemblée Constituante (en allusion aux pouvoirs restreint du président de la république)!

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28 décembre 2011

Islamiqua est de retour...

Après des mois d’absence (le temps de couvrir convenablement la révolution tunisienne et ses conséquences) et au vu de ce qui se passe dans le pays déclencheur des révolutions arabes, je reprends l’activité sur Islamiqua. Pour commencer je vous livre ci-dessous l’édito du numéro 4 de Zénith (un magazine tunisien) où je reviens sur la récompense attribuée à Tawakhol Karman. Qui est ce ? La prix Nobel de la paix arabe. Un nom à retenir absolument

 

RETENEZ BIEN CE NOM !

 

zenith4couvNombreux sont les dirigeants arabes qui auraient souhaité avoir son charisme et surtout son verbe. Charismatique, son verbe fut clair et émouvant dans un discours historique prononcé à l'occasion de son acceptation du prix Nobel de la Paix le 10 décembre dernier. De qui s'agit-il ? De Tawakhol Karman. Rentez bien ce nom !

Cette journaliste yéménite aura, si elle le désire, un radieux avenir politique ! En effet, du haut de ses 32 ans, celle qui a appelé depuis 10 mois à une opposition pacifique contre la dictature de Ali Abdallah Salah au Yémen a prononcé le 10 décembre un discours qui m'a laissé scotché sur ma chaise face à un écran de télé complétement dominé par une femme qui maitrise parfaitement le verbal et le non verbal : elle parle démocratie, droits de l'homme, liberté de la presse, et féminisme. Elle défend la création d'un « Etat civil démocratique » et stigmatise les extrémistes qui « se méprennent sur ce que leur religion dit ».

 

Voilée et membre du parti islamiste yéménite Al Islah, son discours n'a rien à envié à celui de nos laïques. Mieux encore, elle appartient peut être à un parti islamiste mais son discours sur les libertés et les droits de l'homme est beaucoup plus clair que celui de bien de nos leaders réformistes !

Son secret ? Réclamation des droits et proclamations des libertés haut et fort. Loin des provocations et des débats inutiles sur l'identité et autres débilités tant discuté sur notre place publique. Malgré son voile, et son appartenance à un parti islamiste elle n'a à aucun moment utilisé un discours qui rappelle de près ou de loin certaines théories ou légendes islamo-salafistes (comme l'on fait certains dirigeants islamistes chez nous).

Ses références étaient universelles ; elle a bien insisté que sans le combat des féministes du monde entier elle n'aura jamais eu l'occasion de parler à cette tribune, elle n'a pas hésité a considéré les idéaux de droits de l'homme, de démocratie et de liberté comme un patrimoine de l'humanité et non l'apanage d'une seule société. Elle s'est même dite contre les fameux arguments de « l'exception culturelle » qui finissent toujours dans nos contrés par vider ces idéaux de leur essence.

Son discours est clair, sans ambiguïté, tout comme son combat puisqu'elle affirme qu'elle ne quittera sa tente (installée sur la Place du changement depuis presque 10 mois) qu' « une fois que l'on aura construit de bonnes institutions qui garantissent les droits de l'homme et la démocratie ». 

En écoutant son discours, je n'ai point regretté le fait qu'elle ait été choisi à la place d'une tunisienne (la blogueuse Lina Ben Mhenni) qui -de toute façon- n'aurait jamais égalé la force de caractère et l'intelligence de la yéménite.

Pourtant, l'évènement n'a pas été salué comme il se doit ni par la presse internationale ni par celle tunisienne. Pis encore, le discours de Karman dans son intégralité est introuvable sur le net ! Pourquoi ? Mon petit doigt me dit que c'est peut-être l'effet « voile » de la jeune Yéménite qui lui a valu autant d'ignorance (alors que l'effet nudité de la blogueuse égyptienne Aliaa Magda el-Mahdy lui a valu les unes d'un nombre impressionnant de journaux). Tawakhol Karman est tout de même la première femme arabe à recevoir le prix Nobel de la paix. Une femme voilée sur une tribune aussi prestigieuse que celle du prix Nobel et qui non seulement n'utilise pas un discours religieux mais inscrit sa lutte dans un combat international pour les libertés et les droits de l'homme est une femme exceptionnelle qui mérite une énorme salutation de la Tunisie, terre de la première révolution dans l'histoire du printemps arabe !

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Zénith est disponible dans les kiosques en Tunisie.

24 février 2011

À la rencontre de Hezb Tahrir…

Vendredi 11 février, le bruit court à Tunis qu’un parti politique islamiste vient de réclamer lors d’une manifestation de quelques centaines de ses partisans (100 à 200 ?), l’établissement  d’un Califat islamique en Tunisie. Renseignement pris, il s’agit de Hezb Tahrir. Ce parti (interdit dans la majorité des pays arabes) venait d’annoncer ainsi sa volonté de participer au débat (manifestation) politique que connaît la Tunisie depuis le 14 janvier.

Pour approfondir la connaissance de ce parti (non reconnu encore), j’ai rencontré deux personnes qui se sont déclarés membres du bureau exécutif et j’ai pu avoir (et peut être je n’ai pu avoir puisqu’ils n’avaient rien de concret à me proposer) malgré les réticences, la liste des membres du bureau politique que je vous livre en exclusivité (diffusée pour la première fois lors de l’émission Hdith Tounes sur la radio Shems Fm) :


Président : Abd Mejid Hbibi

Porte parole :Amine Belhadj

Membres :

Kamel Gasmi

Adb Raouf Amri

Nabil Manai

Foued Azouz


Quelle est la vision (puisqu’il n’y a pas de programme encore) de ce parti ?

Elle se résume dans la nécessité de l’établissement du Califat islamique. Pourquoi ? Mon interlocuteur n’hésite pas à affirmer que « puisque nos besoins en tant qu’Hommes sont les mêmes (depuis des siècles), alors nos solutions doivent être les mêmes, à savoir l’établissement du Califat ».

Le meilleur exemple illustrant cette « obsession » est donné par l’appel lancé par la branche égyptienne du parti à l’armée pour qu’elle instaure le Califat en Egypte (appel disponible sur le site internet du parti). 

Mes interlocuteurs assurent en revanche que leur combat pour l’établissement du Califat sera pacifique mais que contrairement à d’autres partis (Ennahdha ?), ils ne proposeront pas un « islam suisse » (référence faite à ce que certains appellent l’islam modéré), mais ils défendront les « vrais » principes de l’islam. 

Affaire à suivre.

28 novembre 2010

Pour la jeunesse arabe, le gouvernement d’un pays doit se faire sur des bases laïques et non avec un discours religieux

 

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La chaine d’information arabe Al-Arabiya vient de diffuser sur deux jeudis successifs une émission de débat consacrée à la relation entre « l’Etat et la religion ». Hiwar Al Arabe (le dialogue des arabes)* a été présenté depuis le Liban et a vu la participation, en plus de certains religieux, hommes politique et professeurs, d’un grand nombre d’étudiants libanais.

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Alors que l’information est passée sous silence dans la totalité des médias de la région, l’émission (qui a abordé un sujet polémique non tranché encore dans aucun des pays arabes) a vu le positionnement des étudiants participants dans une optique franchement anti-religieuse.

A l’occasion de ce qui s’apparente à un sondage, deux questions ont été posées aux dizaines d’étudiants présents. Lisez ci-dessous les résultats c’est assez intéressant :

graphiques

1- Gouverner un pays avec les règles islamiques est-il compatible avec les principes de la citoyenneté ?

Oui 18 %

Non  68 %

Je ne vois pas la relation 14 %

 2- Peut-on réussir le mélange : culture musulmane - démocratie ?

Oui 38 %

Non 62 %

Ces résultats sont d’une importance capitale pour les raisons suivantes :

1- Un sondage avec ces mêmes questions dans n’importe quel pays arabe et en particulier dans les pays du Golf est complètement inimaginable.

2- Ces résultats montrent qu’auprès de la jeunesse (même s’il est question surtout de la jeunesse libanaise), les discours religieux perdent du terrain : beaucoup plus de gens pensent que la citoyenneté est un critère à prendre en considération plus que la religion dans la définition de l’appartenance d’une personne à un pays.

3- De plus en plus de jeunes pensent que la religion n’est pas (nécessairement) la solution à leurs problèmes et à ceux de la société, que la foi religieuse doit s’inscrire dans la sphère privée et que le gouvernement d’un pays doit se faire sur des bases laïques plutôt que sur des arguments religieux.     

▪▫▪

 Je l’ai déjà signalé sur ce blog : même si aujourd’hui l’islam continue de refléter une image d’une religion dangereuse et menaçante (surtout en Occident). Image véhiculée par les porteurs d’un discours islamophobe et aussi par nombre de musulmans, il existe quelques tentatives (certes encore trop faible) de reformes grâce à des gens porteurs d’une analyse critique des discours et autres comportements des défenseurs de l’islamisme.

Voir que ce nombre se développe et que des médias arabes de masses commencent à s’inscrire ouvertement dans une logique réformiste ne peut être qu’une bonne nouvelle ! Mais, disons le franchement : nous sommes juste au début du chemin et nous ne pourrons espérer un impact réel de ces tentatives de reformes dans les sociétés arabo-musulmanes que le jour où elles se transforment en un véritable courant de réformisme interne.

 

* L’émission est à revoir sur Alarabiya.net     

 

17 novembre 2010

Bonne nouvelle ?

 

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Est ce une bonne nouvelle ? Béchir Ben Yahmed, le fondateur de Jeune Afrique, pense que l’extrémisme islamiste « devrait se rétracter ou s’étioler dans la décennie 2011-2020 ». Dans les extraits que je vous présente ci-dessous de l’interview accordée à Christophe Boisbouvier à l’occasion du cinquantenaire de l’hebdomadaire Jeune Afrique, BBY revient aussi sur l’historique de la montée de l’extrémisme (et spécialement dans son pays la Tunisie) et parle du rôle des musulmans face aux extrémistes. Mais Al-Qaida est-elle vraiment agonisante ?  

Malheureusement, l’actualité quotidienne dément formellement toute espérance de voir une fin rapide d’une organisation (et d’une doctrine) qui a fait souffrir énormément les musulmans (bien plus que les autres) depuis plusieurs années. L’affaire des colis suspects est l’illustration parfaite du changement de stratégie d’une organisation qui –se trouvant face à des difficultés pratiques- profite de la mondialisation pour faire parler d’elle encore et encore. Khalaf Al-Harbi nous explique ci-dessous pourquoi il pense, contrairement à Béchir Ben Yahmed, que la nébuleuse islamiste vivra bien longtemps mais avec un….réinvestissement différent du terrain.

En espérant voir les vœux de BBY concrétisés, je vous souhaite de bonnes fêtes à l’occasion de l’Aid Al Kibir !

 

 

« Al-Qaïda existe encore, mais elle est dans une impasse stratégique »

 

50_ans_de_jaN’avez-vous pas sous-estimé la force montante des extrémistes islamistes et d’Al-Qaïda ?

Oui, et le seul qui m’ait corrigé là-dessus, c’est le président Ben Ali. Au début, j’étais sensible à leur combat. Avec leur petite internationale, je les ai tout de suite comparés aux communistes. Quand ils venaient me voir, à Tunis ou à Paris, ils se déplaçaient toujours par deux, comme les communistes : l’un surveillait l’autre, témoignerait, le cas échéant, pour ou contre lui.

Ils m’ont paru intègres, détachés de l’argent. Cela m’a impressionné, cela m’impressionne toujours.

Les gens d’Ennahdha ? 

Oui, et un beau jour, en 1990, leur chef, Rached Ghannouchi, qui avait été interviewé par Hamid Barrada dans les locaux de Jeune Afrique, est venu me voir et m’a dit : « Je veux me réconcilier avec Ben Ali. Pouvez-vous m’aider à organiser ça ? » À l’époque, il était déjà en exil à Paris et à Londres. Il m’a séduit et j’ai accepté de faire quelque chose.

J’ai téléphoné de Paris à Ben Ali. Je lui ai dit : « Ghannouchi me dit être prêt au dialogue, est-ce que vous acceptez de le voir ? » Il m’a dit : « Je ne veux pas parler de cela au téléphone, venez me voir. » Ce que j’ai fait. Il m’a alors dit : « Si Béchir, vous vous trompez complètement. Ghannouchi se présente comme un modéré, il vous fait croire qu’il est modéré. Mais il n’y a pas d’islamiste modéré ! Cela n’existe pas. Où ils font semblant d’être modérés, et c’est de la duplicité, ou bien ils le sont, et alors ils se font éliminer. » Et il m’a ouvert les yeux. J’ai constaté par la suite qu’il avait raison sur ce plan. Ben Ali est un connaisseur, un vrai expert en matière d’islamisme.

Aujourd’hui, pensez-vous que ce mouvement risque de durer ? 

Je pense d’abord que c’est une maladie de l’islam. Et que les musulmans devraient s’en préoccuper davantage pour en guérir. Les membres d’Al-Qaïda sont des musulmans exaltés, intégristes, mais, contrairement à ce que certains pensent, ce sont des musulmans, et qui se croient meilleurs que les autres. Les hommes qui ont commis les attentats du 11 septembre 2001 sont des musulmans. J’ai lu le texte testamentaire de Mohamed Atta, leur chef, qui pilotait l’un des avions qui ont percuté les Twin Towers, c’est un vrai musulman, pas un fou ni même un exalté. Il était déterminé à tuer et à mourir.

Quand vous acceptez de tuer indistinctement trois milles personnes – juifs, musulmans, chrétiens… –, quand vous faites du terrorisme aveugle, ce n’est pas acceptable et cela ne peut pas marcher à la longue. Cela ne peut que rassembler contre vous de plus en plus de gens.

Et moi, comme presque tout le monde et tous les musulmans, je n’accepte pas ça par principe.

J’ai toujours su que les islamistes radicaux n’auraient pas les musulmans avec eux. Mais si 5 % des musulmans les soutiennent, cela fait déjà 150 millions de personnes. Je pense qu’ils ont eu, au début, 5 % de sympathisants parmi les musulmans. Mais, au fil des années, ils les ont perdus. Aujourd’hui, c’est une toute petite minorité de desperados qui va faire du mal et durer longtemps.

Longtemps ? Combien de temps ? 

J’ai la faiblesse de croire – un petit peu, pas complètement – à l’astrologie. Des astrologues ont indiqué, il y a près de quinze ans, que cela allait durer quelque vingt-cinq ans. L’analyse politique donne la même durée : le mouvement devrait se rétracter ou s’étioler dans la décennie 2011-2020.

Al-Qaïda existe encore, a une résonance, sévit ici et là, mais elle est dans une impasse stratégique.

▪▫▪

 

La nébuleuse terroriste fait son grand retour

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La découverte de colis suspects aux aéroports de Dubaï et de Londres [le 30 octobre] vient confirmer qu’Al-Qaida s’est réveillée après un assez long assoupissement. Ce n’est pas une plaisanterie. Il s’agit du plus puissant groupe armé du monde. Il n’a pas de temps à perdre à plaisanter, pas plus que les instances

de lutte contre le terrorisme aux Etats-Unis, en Arabie Saoudite, en Grande-Bretagne, aux Emirats arabes unis ou au Yémen. Cette information ne surgit pas abruptement dans un ciel serein. Elle a été précédée par l’apparition du chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, s’adressant à la France pour lui demander de retirer ses troupes d’Afghanistan : “Si vous croyez, injustement, qu’il est de votre droit d’empêcher

des femmes musulmanes libres de porter le voile intégral, n’est-il pas de notre droit d’expulser vos infiltrés et de leur trancher la gorge ?”

 

En se servant de la poste

Essayons de remonter le film. Point besoin d’être spécialiste. Dans la première séquence apparaît le principal inspirateur des terroristes. Le monde entier sait le reconnaître, mais personne ne sait dire où il se trouve. Après une longue absence, personne ne s’attendait à le voir. Son but était de s’adresser à ses ennemis bien plus qu’à ses partisans et de montrer qu’il est toujours vivant et qu’il ne manque de rien, qu’il est toujours capable de diriger les cellules dormantes ou actives et qu’il se sent tout à fait à l’aise pour menacer une grande puissance comme la France. Dans la deuxième séquence, la France déclare qu’elle prend les menaces au sérieux, mais qu’elle refuse de se laisser dicter sa politique. Troisième séquence : entrée en scène du président des Etats-Unis, qui explique que des colis suspects ont été découverts grâce aux informations fournies par les services antiterroristes saoudiens, ajoutant que la menace s’est accrue,

notamment au Yémen. Cela ne prouve-il pas qu’Al-Qaida a réinvesti le terrain, avec tout son attirail ?

Afin de comprendre la portée de ce réinvestissement, nous devons considérer la situation internationale de ces deux dernières années. L’organisation terroriste a pu se remettre des frappes sévères qu’elle

avait subies en différents endroits du monde. Elle a reformé ses rangs et réussi

à mettre à l’abri ses cellules en les répartissant sur au moins cinq pays, à savoir l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen, l’Irak et la Somalie, ainsi que dans quelques poches en Afrique. Elle a à peu près rétabli les capacités qui étaient les siennes avant les attentats du 11 septembre 2001, quand elle avait

établi des camps d’entraînement et recruté à la pelle des candidats kamikazes. Pendant ces deux dernières années, elle a également oeuvré sans relâche à rompre l’étau des services de sécurité mondiaux. Malgré la surveillance des télécommunications et des déplacements, ses membres trouvent toujours moyen de maintenir le contact entre eux. Al-Qaida s’adresse à nouveau à ses ennemis par des messages audio par-ci, des bandes vidéo par-là. Pis, elle a failli réussir à commettre un attentat retentissant au coeur des Etats-Unis sans avoir eu besoin d’envoyer un de ses membres sur place. En se servant de la poste, c’est comme si elle se moquait de son ennemi. On peut imaginer  Ben Laden, le sourire aux lèvres, dire à  Ayman Al-Zawahiri : “C’est quand même plus confortable que nos ennemis transportent eux-mêmes les bombes”, et Zawahiri lui répondant : “C’est plus simple aussi. Ils n’ont pas besoin de faire la queue à l’ambassade des

Etats-Unis pour avoir un visa.”

 

Un éternel recommencement

Ces deux dernières années, les valeurs de la tolérance ont reculé et, dans le monde entier, le rejet de l’autre a atteint des proportions sans précédent. Ce climat est ce qui peut arriver de mieux pour Al-Qaida.

De même, les taux de pauvreté, le chômage et l’absence de libertés dans le monde musulman continuent d’être le principal vecteur de recrutement de jeunes qui ne trouvent pas de voie pour atteindre le bonheur dans ce monde et qui le cherchent donc dans l’au-delà.

Bref, Al-Qaida est là et la lutte mondiale est sur le point de recommencer. Les dégâts risquent de toucher tout le monde et personne ne pourra se contenter d’en être simple spectateur. Et, comme toujours, cette lutte absurde sera un cadeau du ciel pour Israël et l’Iran.

 Khalaf Al-Harbi

Source : Al Jarida - Kuwait

 

 

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10 novembre 2010

Notre devoir envers les chrétiens d’Irak

 

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Une série d’attentats a visé ce mercredi 10 novembre plusieurs domiciles de chrétiens à Bagdad faisant trois morts et plus de vingt blaissés. Ces nouvelles attaques interviennent dix jours seulement après le carnage (46 civils tués) revendiqué par Al-Qaida dans une cathédrale au centre de Bagdad.

Les réactions des dirigeants et intellectuels arabes suites à ces attaques sont très rares (et concernent comme d’habitude « la condamnation de la violence ») et le soutien des chrétiens d’Irak est complétement inexistant. Où sont ceux qui crient à l’islamophobie et qui condamnent perpétuellement l’Occident pour ses comportements envers les musulmans ? Pourquoi ils ne manifestent pas contre Al-Qaida et ne revendiquent-ils pas l’arret immédiat des attaques qui visent les chrétiens d’Irak ? Pourquoi ne disent-ils pas nous sommes tous des chrétiens d’Irak et nous n’acceptons pas ce qui arrive à nos frères ? 

Comme l’écrit Aziz Al-Hajj dans Elaph (ci-dessous le texte), la réponse à ces questions est assez simple : le silence des élites arabes intervient dans la suite logique des discriminations que subissent les membres de la communauté chrétienne (graphique ci-dessus) dans toute la région. Un silence asourdissant qui ne peut plus durer : nous avons l’obligation de soutenir une communauté aussi arabe que tous les musulmans de la régions !

 

Les chrétiens dans la ligne de mire

Par : Aziz AL-HAJJ

 

Al-Qaida a déclaré que c’était bien une église qu’elle visait le 31 octobre à Bagdad. Quoi d’étonnant à cela ! Depuis la chute de Saddam Hussein, l’organisation est le meilleur allié de l’Armée du Mahdi [milice chiite de Moqtada Al-Sadr] pour chasser et tuer les membres des minorités religieuses. Le sort des chrétiens d’Irak ressemble à celui de leurs coreligionnaires dans l’ensemble du Moyen-Orient : discriminations, hostilité, déni de droits, pressions pour les forcer à s’exiler. En Irak, leur nombre est passé de 1,8 million à 400 000. Cinquante et une églises ont été détruites, un évêque et trois prêtres ont été enlevés et tués. Quant aux simples croyants, on compte 800 victimes parmi eux. Ceux qui résistent à l’appel à l’exode sont soumis à de nombreuses pressions, les femmes sont contraintes de porter le voile et tous deviennent des citoyens de seconde zone. A Bethléem et Beit Jala [jadis villes chrétiennes, en Cisjordanie], les musulmans sont désormais majoritaires. Seule la bourgade de Beit Sahour reste à majorité chrétienne. Quant aux coptes d’Egypte, les pressions qu’ils subissent sont légion.

Des notables, intellectuels, religieux et associations musulmanes poussent des cris d’orfraie pour dénoncer l’“islamophobie” dans les démocraties occidentales. Un livre à charge contre l’immigration en Allemagne, la menace d’un pasteur de brûler le Coran ou la déclaration d’un homme politique raciste jouant sur la peur des immigrés, notamment musulmans : à chaque fois, on veut y voir la preuve de cette islamophobie occidentale. Pendant ce temps, dans les pays musulmans, des slogans hostiles aux chrétiens sont lancés en toute impunité, à travers des milliers de mosquées, sans que personne ne défende l’idée d’égalité entre musulmans et non musulmans.

Beaucoup cherchent à contourner le problème en disant que tout le monde, chrétiens comme musulmans, souffre de la même manière. “Malgré des spécificités, les problèmes que connaissent les chrétiens et les musulmans sont pour l’essentiel les mêmes : menaces pour leur sécurité et détérioration du climat politique”, peut-on lire sous la plume d’un éditorialiste d’Al-Hayat. Dans le même journal, un autre commentateur estime que les chrétiens comme les musulmans sont victimes d’Israël et de son “judaïsme d’Etat”. Un autre encore affirme que la situation du Moyen-Orient a changé et que les chrétiens ne sont pas les seuls à souffrir de l’absence de droits à la différence. Ces réactions arabes sont autant de dénis d’une réalité qui crève pourtant les yeux. La progression de la bigoterie musulmane et la conviction croissante que l’islam est la seule vraie religion réduisent les non musulmans au statut de dhimmi [membres d’un groupe minoritaire]. Cela n’est pas sans conséquences. En plus des agressions quasi quotidiennes contre des églises ou des prêtres, combien d’arrestations pour accusation de prosélytisme chrétien ? Pendant ce temps, le prosélytisme musulman s’exerce en toute publicité dans les pays occidentaux. Dans la plupart des pays du Golfe [en fait, en Arabie Saoudite], les chrétiens en sont réduits à faire leur prière dans les résidences diplomatiques ou dans quelque salle de conférence d’un grand hôtel, à leurs risques et périls.

Oui, les chrétiens d’Orient dépérissent alors que ce sont eux qui sont la population d’origine de leurs pays. Malgré leur contribution à l’éducation, à la science, à la littérature, à la politique et à l’économie, et avec toutes les preuves de bonté et de loyauté patriotique qu’ils ont données, ils sont pourtant les victimes des gouvernements, des parlements, des hommes de religion et de la plupart des intellectuels. Même les pays occidentaux refusent de prendre clairement position pour réagir, que ce soit pour des raisons politiques ou commerciales, ou les deux à la fois. Le moment est venu pour les intellectuels musulmans de monter en première ligne pour prendre leur défense, pour dénoncer les violations de leurs droits et pour revendiquer l’égalité et la liberté religieuse.

 

1 novembre 2010

Musulmans de France… Jusqu’à quand l’incompréhension ?

 

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A l’occasion des Journées Cinématographiques de Carthage (du 23 au 31 octobre 2010), j’ai eu l’occasion de visionner le documentaire « Musulmans de France » (3 volets) qui retrace l’histoire des relations entre les musulmans et la France depuis la colonisation et jusqu’en 2009, et de discuter avec M. Karim Miske (réalisateur avec Mustapha Hasnaoui du film).

Durant plus de 3 heures, le documentaire revient sur cette incompréhension historique entre l’islam et la France. La cause : l’histoire le montre bien, absence d’une stratégie républicaine globale et sur le long terme. Toujours, la République intervient en urgence, toujours en pompier, jamais en stratège. Et avec ce sentiment bizarre de voir l’incompréhension qui se développe d’une génération à une autre. Et de revendications purement économiques (facilitation de l’intégration, demandes d’emplois…) les musulmans de France se dirigent vers des revendications identitaires et religieuses. La cause : là aussi, l’inaction des gouvernements français successifs qui ne se rappellent des minorités qu’en cas de crise majeure.

Un article publié récemment par The Christian Science Monitor, revient sur la relation actuelle entre la France de M. Sarkozy et les musulmans de France. Lisez ci-dessous ce qu’écrit ce journal, fidèle aux traditions des différentes républiques, le gouvernement actuel ne fait qu’empirer les choses, favorisant une incompréhension dangereuse entre les Français et les Français… musulmans !

 

Français musulmans, vos papiers !

 

Ici, on mange plus de pita que de baguette, et les fast-foods halal sont plus nombreux que les salons de thé. A trois stations de RER seulement des magasins de vêtements chics, des musées de renommée mondiale et des librairies spécialisées dans les beaux livres rares, on débarque dans un autre Paris. L’Ile Saint-Denis, au nord de la capitale, est une banlieue de discothèques hip-hop, de parfumeries à prix cassés et d’immigrés qui travaillent dur. Des Marocains, la tété couverte, achètent fruits et légumes, des commerçants tunisiens vendent pâtisseries et olives, des Congolais et des Sénégalais jouent au football dans un par et des Pakistanais barbus bavardent en sirotant leur thé au bar du coin (…)

« Voyez ce qui se passe en ce moment », se lamente Kinaz Dicko, un musulman pratiquant dont les parents sont venues du Mali. « Il y a une alerte à la bombe ? Alors tout de suite, on nous contrôle. Des rumeurs sur des militants musulmans et quelques arrestations ? Encore des contrôles… et immédiatement on nous soupçonne de terrorisme ! ». (…)

Depuis vingt ans, le nombre des musulmans vivant en Europe de l’Ouest ne cesse d’augmenter, passant de moins de 10 millions en 1990 à environ 17 millions aujourd’hui. Dans l’Hexagone comme dans l’ensemble de l’Europe, les relations entre cette communauté et le reste de la population sont souvent tendues. Le Conseil constitutionnel vient de valider définitivement la loi interdisant le port du voile intégral sur la voie publique. La France devient ainsi le premier pays à prendre une telle mesure. L’Espagne et la Belgique envisagent de lui emboiter le pas. (…)

Pour une enquête réalisé par l’institut Gallup, seuls un tiers des Français ont répondu qu’ils pensaient que les musulmans vivant en France étaient loyaux envers le pays ; de leur coté, trois quarts des musulmans de France ont affirmé la loyauté. « Ce qui est certain, c’est que nous ne sommes pas des terroristes, martèle Mme Dendoune. Et on ferait mieux de ne plus suggérer une chose pareille par ici, maintenant », ajoute-t-elle en souriant gentiment. 

 

15 août 2010

Mohamed Machfar : un exemple de l'islam tunisien ?

 

Sous le titre "Mohamed Machfar, un cheikh pas comme les autres"Jeune Afrique vient de dresser le portrait du jeune mais hyper célèbre cheikh tunisien. Aucune révélation, mais un décryptage intéressant d’un «phénomène étonnant ».

cheikh_Machfar

Jeune, tolérant, souriant, désopilant... L’animateur vedette de la première radio religieuse du pays est une star. Décryptage d’un phénomène étonnant. 

Avec près de 40 000 fans sur Facebook, presque autant que Saber Rebaï, grande vedette de la chanson tunisienne, et des dizaines de forums de discussion, le cheikh Mohamed Machfar, dont les interventions télévisées sur la chaîne nationale après la rupture du jeûne durant le mois de ramadan ont fait exploser l’audimat, confirme, si besoin était, sa forte popularité. Désigné par le portail d’information Babnet, il y a un an, comme l’une des huit personnalités tunisiennes les plus appréciées, il côtoyait dans ce palmarès éclectique des sportifs de haut niveau et des animateurs de télévision. Un phénomène de prime abord incongru en Tunisie, où les stars ne défraient guère la ­chronique, encore moins les « people ».

 

Salle comble 

Pour les Tunisiens, il semblait donc inimaginable qu’un homme de religion puisse être élevé au rang – paradoxal – d’idole populaire. Pourtant, jamais un cheikh n’avait suscité autant de polémiques, ni recueilli autant de suffrages. Beaucoup pensaient que l’effet « Machfar » allait retomber comme un soufflé et qu’il n’était dû qu’à sa médiatisation, mais le prêche du vendredi que le cheikh assure à la mosquée El-Abidine de Carthage fait systématiquement salle comble. L’homme est coutumier du fait : dans sa précédente paroisse, il drainait une telle foule que la circulation en était bloquée.

Mais qu’a-t-il donc de si particulier pour être à l’origine d’un tel engouement dans le tranquille paysage tunisien ? Tout d’abord, il est jeune : à peine 48 ans. Ensuite, il clame haut et fort sa tunisianité. Enfin, il est désopilant, tranchant avec l’image ascétique et austère des religieux musulmans. De lui, on retient d’abord l’éternel sourire accroché à un visage rond toujours surmonté de la coiffe traditionnelle masculine de ceux qui ont suivi l’enseignement religieux de la mosquée de la Zitouna. Cette kachta mellousi, fin turban blanc fixé à la chéchia de laine rouge, est aussi l’insigne des lettrés tunisois. Toujours affublé du même couvre-chef, il alterne le costume-cravate à l’européenne, comme le portaient les intellectuels des années 1930, avec l’habit traditionnel, la jebba. À travers sa garde-robe, le cheikh s’est construit une image cocasse. Ce fils d’une modeste famille de Halfaouine, faubourg du vieux Tunis, a repris à son compte les codes vestimentaires des beldis, citadins de souche aux habits richement brodés dans les tons pastel. En apparaissant à la télévision en jebba rose ou bleu azur, le cheikh Machfar a laissé les spectateurs perplexes. 

 

Un fin exégète 

Tout tient aussi à son verbe. Le cheikh s’est créé un auditoire en prenant le contre-pied de ses homologues des chaînes satellitaires arabes. Il s’exprime en dialecte tunisien et n’hésite pas à insérer des expressions françaises pour « mieux être écouté par les jeunes. D’ailleurs, [il] utilise la même méthode dans [ses] prêches ». Il a le sens des formules percutantes et développe un champ lexical anticonformiste et bon enfant propre à interpeller les Tunisiens. Il utilise avec maestria la faconde des natifs de Halfaouine, qui caractérise aussi Mohamed Driss, au théâtre, et Ferid Boughedir, au cinéma.

Le cheikh Mohamed Machfar instille du sacré dans les choses profanes, démonte les idées préconçues et fait une lecture intelligente des mœurs et de la vie quotidienne de ses compatriotes. Les nouveaux comportements sociaux, la famille, le couple, le rapport aux autres, tout y passe, car les conflits, selon le cheikh, ont pour origine un manque de tolérance et d’écoute, une perception rigide, un rejet des avis contraires. Son côté bonhomme ne l’empêche pas de prendre nettement position contre les idées obscurantistes et les dérives extrémistes. Enseignant spécialisé dans la psalmodie et les lectures du Coran, c’est un fin exégète qui siège à différents comités de sélection de futurs imams, récitants ou étudiants de la législation islamique. 

 

Non au voile intégral

Aujourd’hui, animateur vedette et directeur adjoint de Radio Zitouna FM, première antenne religieuse tunisienne, il s’en remet à Dieu pour absoudre et prône ainsi une tolérance envers et pour tous. Il affirme « qu’il est vital de donner une lecture saine et scientifique du Coran et des hadiths [dits du Prophète] » et confirme ainsi la volonté de contrecarrer un islam radical latent. Au contraire des « cavaliers de l’Apocalypse » des télévisions du Moyen-Orient, il ne fait pas de l’islam un sanctuaire de la rédemption mais un espace d’ouverture sur soi et à l’autre. Il voue à la femme un respect indéniable, dans la droite ligne de son statut en Tunisie. Il est très clair sur le port du voile, qui ne peut en aucun cas être intégral. À la radio, il répond en direct à toutes les questions, des plus essentielles aux plus futiles. Récemment, à propos de l’excès de zèle en matière de jeûne hors ramadan, le cheikh Machfar a déclaré : « Doucement, le Prophète lui-même ne le faisait pas systématiquement. » Puis il a ajouté : « C’est contraire aux préceptes de l’islam que de jeûner le jour de l’Aïd.»

Sa chaire lui permet également d’être didactique ; il a consacré un prêche au bien-fondé de l’annulation du hadj (pèlerinage) pour les Tunisiens en raison des risques de pandémie H1N1, en expliquant à partir d’un verset du Coran que « la préservation de la vie humaine est une priorité en islam ». Mais il a curieusement assuré que « si la maladie a été fabriquée artificiellement par les laboratoires pharmaceutiques pour vendre leurs produits, votre responsabilité est dégagée ». L’orientation pédagogique de son discours ne va d’ailleurs pas sans quelques couacs ; ce conteur-né a affirmé qu’aduler une vache est un signe de sous-développement quand le peuple a faim. Il a été aussitôt brocardé pour intolérance. Il a aussi fait rire en situant en Tunisie la rencontre de Moïse avec El-Khidr, personnage coranique détenteur de la science divine. Cependant, au-delà de ces petits écarts, le cheikh Mohamed Machfar annule les dichotomies et réconcilie le Tunisien avec un islam qui lui est propre, moderniste et modéré. Idole des jeunes et du petit peuple, Machfar séduit aussi certains intellectuels nostalgiques d’un islam à la tunisienne, tandis que d’autres crient à la tartufferie. 

 

(Source : Jeune Afrique n° 2555-2556)

 

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A lire aussi sur Islamiqua :

- Le dossier Islamiqua sur radio Ezzitouna FM

 

30 juillet 2010

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27 juillet 2010

L’homme ne vit pas seulement de pain.

ikbel_al_gharbi

« L’homme ne vit pas seulement de pain » est le titre d’un livre que j’ai parcouru au temps du Lycée. C’était un vieux bouquin  trouvé par hasard  dans la bibliothèque familiale. Son auteur, un dissident de l’ex bloc soviétique, dont j’ai oublié le nom, s’élevait contre le totalitarisme régnant dans les pays de l’Est  et faisait l’éloge des libertés individuelles : liberté de penser, d’écrire, de créer, de lire des romans , d’aimer la poésie, de peindre des tableaux etc.…. A cette époque, ces attaques me rebutaient. Je me demandais : comment pouvait-on être si narcissique, si égoïste ? Comment préférer les libertés individuelles, petites bourgeoises donc formelles aux bienfaits du socialisme, à son égalitarisme, à sa justice sociale ? J’étais perplexe et même écœurée !! Pour moi, à cette période, cela ne pouvait –être que de la propagande anticommuniste primaire.

 

En ce temps des rêves, les idéologies dominantes prônaient la dictature des damnés de la terre, qui en fait n’était qu’une association d’individus, qui avait le droit d’anéantir les libertés individuelles sous couvert de références « transcendantes », lesquelles, souvent, n’avaient d’autres fonctions que de légitimer des intérêts particulièrement triviaux.


Au lieu d’instaurer une démocratie basée sur les citoyens et la délibération publique, ces pouvoirs anéantissaient les individus au nom d’un processus de l'histoire qui les dépasse  et de l’édification d’une nation qui les annihilait. La vie des individus ne comptait guères, encore moins ce qu'ils pouvaient sentir, penser, désirer ou rêver. Seule comptait la marche solennelle de l’histoire, du progrès qui les devance, les broies, éliminant les inaptes, les inutiles et les incapables qui freinent sa progression. C’est de ce peu de foi en l’individu et en la liberté, et d’un intérêt pathologique à opprimer l’Autre, que résulte la vanité prométhéenne de toutes les dictatures du monde.


Aujourd’hui, et dans nos contrées arabes,  cet hymne à la liberté individuelle  apparaît d’une brûlante actualité. Est-ce l’héritage intellectuel des Lumières qui nous rend aussi sensible aux droits fondamentaux et aux principes de liberté de pensée et d’expression.

 

Certes c’est  l'idéal de la Renaissance et des Lumières qui nous a permis de nous défaire des diktats de l'autorité religieuse et politique, de la peur de penser dans laquelle vivait  l'homme du Moyen Âge. Il aura fallu quelques siècles de luttes, celle en particulier des philosophes arabes et judéo-chrétiens, pour donner toutes ses lettres de noblesse à la Raison naturelle, à la libre-pensée.


Il suffit de se remémorer les martyrs de la libre pensée et ils sont nombreux .Le philosophe et libre penseur musulman Al Jâad qui fut égorgé publiquement en l’an 737, le jour de la fête de l’Aid el Idha par le despote Khaled el Aksi qui a la fin du prêche intima l’ordre aux fidèles de faire don de leurs sacrifices et déclara que lui-même allait sacrifier et égorger Al Jâad pour sa contestation. Ce qu’il fit séance tenante devant toute l’assistance !

 

Giordano BRUNO, torturé et brûlé vif, par l’inquisition catholique, à Rome le 16 février 1600, sur le Campo dei Fiori, pour avoir refusé d’abjurer ses idées. On lui refusera l’étranglement avant le bûcher, il brûlera vivant... mais on ne l’entendra  répliquer à ses juges du haut du bûcher« Vous avez plus peur que moi ! ». 

 

Nous pouvons aussi citer le martyr de l’idée, Mahmoud Mohamed Taha, le soufi soudanais pendu le 18 janvier 1985 à l’âge de 76 ans, qui dans une démarche qui n’est pas sans analogie avec la théologie chrétienne de la libération, a affirmé que la foi véritable est celle qui reconnaît que « l’être humain a été créé à l’image de Dieu » et que par conséquent, sa dignité et ses droits sont inviolables. Nous rendons hommage à Samir Kasir, Daif Ghazal et…Leur existence atteste la force indestructible de l’Esprit. Leur souvenir obsédant nous rappelle que la fonction première de l’intellectuel est de porter haut l’étendard des libertés ! Sa mission n’est pas de soutenir les projets matérialistes et pragmatiques. Il est le seul qui prétend trouver dans sa propre  pensée des raisons de vivre, de ne pas se compromettre et de tenir tête à l’oppression et à la terreur.                


C’est pour cette raison que les discours triomphalistes nous laissent de marbre, Quand nous entendons pour la énième fois les statistiques délirantes, les versions officielles  célébrant les acquis historiques, les œuvres gigantesques accomplies et les vertiges du succès en plein désastre, lors des réunions, des colloques, des séminaires, des fêtes de fin d’année nous demeurons impassible et apathiques !

 

Heureusement et grâce à un long entraînement, nous avons développé la capacité de ne rien entendre, de ne rien voir, de ne rien percevoir et de se projeter dans nos pensées personnelles : établir mentalement le menu de la semaine, planifier l’anniversaire du petit, faire l’esquisse d’un prochain article, se mémoriser les dernières vacances. Cela s’appelle la technique de l’imagerie mentale qui nous permet de nous évader et d’échapper au médiocre matraquage ambiant.


En terre arabe, les discours dominants ne suscitent plus aucun intérêt, aucune réaction, aucune interrogation. Tout au plus on les contourne comme un monument sans vie, comme un vestige ennuyeux !


Les pouvoirs arabes, décrits par les experts comme des « trous noirs »  réduisent  leur environnement  à un ensemble statique où rien ne bouge et duquel rien ne peut échapper. Cette atmosphère étouffante où règne l’indifférence généralisée  transforme l’intelligentsia en « une diaspora arabe en terre arabe ». L’exécutif au centre de ce «  trou noir » empêche les institutions de  fonctionner et de protéger les droits des citoyens.

 

En effet, en terre arabe, des organisations inconnues dotées de dispositifs humains et techniques avancés traquent, découvrent et châtient toute hérésie, c'est-à-dire toute parole et même toute pensée qui dévie de la Vérité Officielle et qui tenterait, ne serait ce que craintivement et timidement de parvenir à une certaine autonomie, à une certaine originalité. C’est que les tenants de la Vérité Officielle supposent, d’ailleurs à juste titre, que toute pensée qui s’éloigne de la norme peut devenir nuisible et se tournera tôt ou tard contre le dogme.

 

Ces organisations invisible mais agissantes nous hantent et quadrillent notre quotidien. Elles infiltrent les cafés, les salles de classes, les marchés, les administrations. Elles imposent leur censure à la pensée en exerçant un contrôle des sources de la connaissance, de sa production et de sa diffusion. Chaque jour elles nous enseignent ce qu’il sied de savoir, de penser, de croire. Elles aspirent non seulement à anesthésier, à pervertir la pensée mais aussi à obstruer la vision du réel et à tétaniser la faculté de perception elle-même.   


Leurs actions sont tatillonnes, bureaucratiques, robotisées, mécaniques et codifiées. Leurs finalités leurs échappent et leurs sont transcendantes. Elles sont imperméables à toute communication humaine à toute production de l’esprit : La raison et la culture ne peuvent cautionner la négation des droits et la répression de la pensée.

 

Elles s’acharnent sur leurs victimes pour donner l’exemple, pour informer  que la force du  pouvoir est irrésistible et ainsi exercer leur  terreur sur les populations.


Aujourd’hui nos pensées cheminent vers les martyrs du Verbe, vers  ceux qui ont péri à cause de leurs idées pendant que d’autres accumulaient les privilèges et bâtissaient des carrières sur leurs souffrances.

 

Nos cœurs  vibrent  pour eux.

Nos sens captent leurs appels et leurs plaintes encloses.

Nos prières leur sont dédiées.

Nos recueillements leur sont consacrés.

Notre considération, notre estime leur sont acquis.

Nos écrits commémorent leur noblesse et leur courage …


 

Une critique, une suggestion, un complément d’information ? … merci de poser vos commentaires

 

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* Ikbal al Gharbi est professeure de psychologie et des sciences de l’éducation à L’Institut supérieur des sciences religieuses, ainsi que directrice du Centre de l’innovation pédagogique, à l’université Ezzeytouna en Tunisie. Elle est aussi psychologue, docteur en anthropologie, consultante auprès des Nations Unies et elle s’occupe de la réforme dans le monde arabe.

ahikbal@yahoo.fr

 

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