Islam, Le pensable est-il possible ? (2) : Les musulmans : « passéistes et infidèles au passé »

Pour Slim Laghmani, l’une des explications de la décadence du monde musulman se trouve dans l’image qu’il se fait de son passé.

Voici la suite de notre analyse du livre Islam, le pensable et le possible de Slim Laghmani.

« Nous nous interdisons de voir les luttes fondatrices, nous n’avons que peu de souvenir d’al-fitna al-kubra (la ‘‘Grande discorde’’), de la ‘‘bataille du chameau’’ (waqui atu al-jamal, 36 H/656 apr. J.-C.) qui a mis aux prises Ali à A’icha, Talha et al-Zubayr, de la ‘‘ bataille de Siffin’’ (37 H/657 apr. J.-C.) qui a opposé Ali à Muawiya, fondateur de la dynastie Omeyyade. De même, peu de gens se souviennent que Abdallah ibn al-Abbas, cousin germain du Prophète, presque aussi proche de lui que Ali, autorité incontestée en matière de religion et de fiqh, ultime maillon de la chaîne du isnad d’un grand nombre de Traditions du Prophète, nommé par Ali gouverneur de Basra déserta son poste au moment ou Ali avait le plus besoin de sa présence (en l’an 40 H) ‘‘emportant avec lui une part du trésor public’’.(…)

Nous oublions également le grand débat d’idées qui a opposé, des siècles durant, mu’tazilites rationalistes aux traditionalistes et autres ash’arites volontaristes. Qui de nous sait que Al-Ma’mun, Calife fondateur de beit al-hikma ou Al-Jahidh (connu pour être ‘‘La fontaine’’ de la culture arabe avec son ouvrage sur al-Bukhala ‘‘Les avares’’ et son kitab al-Hayawan ‘‘Le livre des animaux’’) étaient mu’tazilites ? Ce courant vaincu au terme d’une lutte séculaire a été effacé de notre mémoire. Pour nous c’est al-Ghazali qui est hujjat al-Islam (littéralement : la preuve de la religion).

Tel est, rapidement esquissé, le discours que nous tenons sur nous-mêmes : passéiste et infidèle au passé.

Quant à la modernité, tout se passe comme si elle était totalement étrangère, comme si deux siècles ou plus de contact avec la modernité n’avaient eu aucun effet sur notre être.(…)

‘‘Qui sommes-nous ?’’

Cette question reste sans réponse dans le discours identitaire. Nous n’y trouvons que simplification et déformation de ce que nos ancêtres nous ont légué, des traces de ce qu’ils ont été. Sur nous-mêmes, ici et aujourd’hui règne le silence. » (p.34-36)

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