La beauté des contrastes
Au cours du mois d’avril j’ai eu la possibilité de participer à deux événements culturels à travers lesquels j’ai encore une fois constaté la beauté de certains contrastes de la liberté. Oui, L’existence en toute harmonie, en même temps et au même lieu, de phénomènes opposés, est sans l’ombre d’un doute le signe d’une cohabitation possible et d’une liberté certaine.
Prière et vin
La première contradiction je l’ai rencontré à Kairouan, la Capitale de la culture islamique pour l’année 2009, où en raison d’un colloque organisé à l’occasion du cinquantenaire des constitutions tunisienne et française, j’ai passé 3 journées dans la ville des Aglabites où j’ai pu admirer la cohabitation qui existe entre les éléments de cultures et de religions différentes. En effet, à Kairouan, les hôtels (ou du moins certains d’entre eux) se caractérisent par l’existence en leur sein de « salles de prières » pour ceux qui désirent accomplir leurs prières quotidiennes, ce qui n’empêche nullement les restaurants des mêmes hôtels de servir du vin ou d’organiser des galas ! Cette image de la salle de prière au premier étage de l’hôtel et du vin aux restaurants du rez-de-chaussée m’a beaucoup impressionnée en me confirmant l’idée selon laquelle la coexistence est possible tant que chacun respecte la liberté de l’autre.
Shari’a et libres penseurs
La deuxième contradiction, je viens de la rencontrer au Salon du livre de Tunis (qui s’est tenu du 24 avril au 2 mai au palais d’exposition du Kram). En effet, la présence de plus en plus massive du livre religieux est désormais l’une des caractéristiques de toutes les foires du livre du monde arabe. Mais malgré cela, j’ai eu le plaisir de constater la beauté d’autres contrastes. En effet, pour ce qui est des visiteurs du Kram, la foire constitue peut être le seul endroit où on rencontre en même temps les barbus religieux, les voilées, les tenants d’un discours rigoristes… et ceux moins barbus, simples croyants, laïcs ou même pas du tout intéressés par la religion et ses histoires. Ici tout le monde trouve son bonheur !
Cet état des lieux découle d’une autre cohabitation qui existe entre les différentes maisons d’éditions : les stands des maisons religieuses se trouvent à coté de ceux des maisons laïques séparés par ceux des maisons d’éditions militantes ! Quelle belle mosaïque !
Je me suis arrêté sur cette image suite à la réception d’une copie du Coran « offerte par le serviteur des lieux saints » (Une tradition renouvelée annuellement par les saoudiens qui diffusent à chaque foire gratuitement des centaines de copies du Coran) et juste avant d’avoir l’immense plaisir de rencontrer le professeur Yadh Ben Achour (qui est venu dédicacer son dernier livre « Aux fondements de l’Orthodoxie Sunnite ») et tout de suite après avoir acheté la deuxième partie du testament de Mohamed Talbi intitulée « L’islam n’est pas voile il est culte, rénovation de la pensée musulmane ». Avoir un livre offert par les émirs du wahhabisme, discuté avec le professeur Yadh Ben Achour et acheté le pamphlet de Mohammed Talbi sur la Shari’a. Tout cela en même temps et au même lieu ! C’est un extraordinaire contraste !
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Avoir la liberté de prier ou de boire du vin. Avoir la liberté de lire les textes religieux ou de consulter leurs critiques… n’est ce pas là la meilleure représentation de la conception tunisienne de l’islam ?