Introduction à l’histoire du Chiisme (3)
Nous avons déjà vu, comment le Chiisme a commencé à se constituer en tant que mouvement politico-religieux dès l’an 61 de l’Hégire (date de l’assassinat d’Al Hussein) et ce en instaurant comme premiers éléments du dogme chiite : la vengeance d’Al Hussein et la revendication du Califat (devenu Imamat) pour Ahl Al Bayet.
Avec Ibn Hanafya et Al Mokhtar, la construction se poursuivra et ces deux personnages auront beaucoup d’influence sur l’évolution postérieure du Chiisme.
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Nous sommes en 67 de l’Hégire lorsque l’armée d’Al Mokhtar livre bataille à celle de Abd Allah Ibn Zoubayr (le Calife du Hijaz qui avait profité de la faiblesse de la dynastie Omeyyade pour proclamer en 60 de l’H. son Califat et qui fut à cette époque militairement plus fort que les Omeyyades) conduite par son frère Mosab.
Ibn Zoubayr avait peur de la nouvelle ‘‘puissance militaire’’ qui était entrain de se constituer entre les mains des Chiites.
Seulement, les armées zoubayrites n’ont pas eu beaucoup de mal à écraser Al Mokhtar et son armée.
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Voila pour les événements politiques de cette époque. Voyant maintenant la situation sur le plan dogmatique.
Ce qui est perceptible dans la constitution du Chiisme -et vous allez le remarquer- et que chaque fois que les Chiites perdent un Imam ou un dirigeant, leur dogme se radicalise de plus en plus…
Cela va se vérifier encore après la défaite de Al Mokhtar :
D’abord, Al Mokhtar qui est considéré par les Sunnites comme un charlatan, est pour les Chiites un saint serviteur du quatrième Imam.
A coté du rôle politico-militaire qu’il joua (en tant que lieutenant de Ibn Hanafya), cet homme prétendait être capable d’illumination divine.
Le grand historien Tabari nous raconte même que plusieurs de ses prédictions se révélèrent justes.
Al Mokhtar sera ainsi derrière la naissance de l’un des principes du Chiisme : le Bida selon lequel Dieu aurait changé le cours des choses initialement prévues parce qu’il il a eu de nouvelles choses qui lui sont apparues.
Pour les Sunnites, ce genre d’analyse est inadmissible : la science de Dieu ne saurait connaître d’altération ou de changement… et toute personne qui croit à la Bida est hérétique.
Pour les Chiites par contre, la Bida (le changement) n’a pas lieu dans les sciences divines mais dans l’ordre des choses…
Ensuite, quelques décennies après la mort d’Al Mokhtar, le Chiisme se radicalisera de plus en plus : les Chiites ne revendiquent plus seulement la vengeance d’Al Hussein et le retour du Califat aux mains de Ahl Al Bayt mais ils élargiront le cercle de leur ennemis : ce ne sont plus les Omeyyades seulement mais aussi et surtout les deux premiers Calife de l’Islam : Abou Bakr et Omar.
Le pourquoi de cette évolution ?
A cette époque, le Chiisme développa l’un de ses plus important principes : l’Imamat n’est pas un simple pouvoir politique, mais c’est aussi et surtout une continuation de la Prophétie.
Sans Imamat, la Prophétie sera incomplète et le dessein de Dieu sur la terre inachevé : L’imamat est une pierre angulaire de l’islam.
Pour son importance, l’Imamat ne peut pas être hérité et l’imam ne peut être choisi par les croyants. Il doit recevoir explicitement la mission de l’ancien Imam et doit être de la descendance de Ali et de Fatima.
Poursuivant leur analyse, les Chiites considèrent que le Prophète aurait donc désigné l’Imam qui lui succéderait : Ali.
Dans ce cas, Abou Bakr et Omar qui n’auraient pas donnés suites aux injonctions du Prophète, auraient commis un péché capital.
Ainsi, nous remarquons que les premières divergences de taille entre les Sunnites et les Chiites remontent à cette époque (fin du premier siècle de l’Hégire - début du deuxième).
À suivre …