Tariq Ramadan ou… comment cataloguer pour mieux juger ?
Je viens de vivre l’amère expérience d’un débat stérile (parce que non fructueux) avec quelques unes des personnes qui ont visionnés l’intervention de Tariq Ramadan chez Ruquier samedi 26 septembre sur France 2.
Tariq Ramadan (pour ceux qui ne le connaissent pas) est un islamologue suisse d’origine égyptienne... Il est souvent présenté dans les médias (surtout français) comme un homme intelligent et rusé, à double discours, adepte des frères musulmans… Un cliché qu’on a fini par admettre en considérant Ramadan définitivement comme un manipulateur, un démagogue et un « salafiste de charme ».
Chaque fois où on lui donne l’occasion de s’exprimer à la télé (et c’est très rare) l’homme se trouve toujours dans l’obligation de se justifier et de répondre à ce « qu’on pense » qu’il a dit. Ainsi, lorsqu’il déclare que –faute d’une société arabo-islamique prête à renoncer à ce qu’elle considère sacré et en attendant de déconstruire et reconstruire le discours religieux sur les châtiments corporels- il faut un moratoire sur leur application, tout le monde crie au scandale : « Ramadan n’est pas pour l’interdiction des lapidations, il ne propose qu’un moratoire, c’est un double discours ».
J’ai voulu alors profiter de l’occasion de son passage chez Ruquier pour faire le point sur les idées développées par ce « dangereux islamiste ».
Qu’en est-il ?
Je découvre un religieux, qui ne part dans ses analyses que des textes sacrés (qu’il dit prendre très au sérieux) mais qui arrive à des conclusions intéressantes… pour un religieux. Il nous dit qu’il est (à terme) contre les châtiments corporels, contre le mariage forcé, contre l’application de la Chariaa telle qu’elle est…
Certes, il a des positions qu’on ne partage pas, comme une reconnaissance (implicite) du caractère obligatoire du voile en islam…
Malgré cela, je pense que pour un religieux, ce qu’il fait – un travail de déconstruction / reconstruction de l’intérieur de l’islam- est très intéressant et qu’il mérite notre considération.
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Pour avoir dit cela, on m’a qualifié -au cours de cette discussion- « d’islamiste », « d’agressif », « d’adeptes des frères musulmans » …
Evidement, je n’accorde à ces jugements passionnels et passionnés que très peu d’intérêt comme je fais d’ailleurs pour les jugements « d’apostasie » et « d’hérésie ».
Tariq Ramadan n’est certainement pas un saint mais de la à lui faire un procès d’intention (« oui, il a dit ça mais… ») …c’est un pas que je ne franchirai pas.
Maintenant, au delà de Ramadan, si j’en parle aujourd’hui c’est pour dénoncer l’idée que ces personnes ont de « la vie en commun ». Quelle société ils nous proposent ? Une société où les uns exclus les autres ? Une société ou vous êtes « avec ou contre moi » (comme l’a dit un tristement célèbre président) ? Une société où on doit impérativement être catalogué ? …
J’avais signalé dans un précédent post la dangerosité de « l’autre extrémisme », celui de ceux qui ne pensent qu’à condamner, dénoncer, attaquer… le discours religieux, tout discours religieux.
Or, il faut se rendre à l’évidence : nous vivons dans des sociétés imbibées de religion. Même si nous pensons que la religion ne devrait pas dépasser la sphère de la vie privée, il y a des gens qui ne le pensent pas et qui souhaitent (et même militent) pour la voir régir toute notre vie.
Pour arriver à des solutions il faut dialoguer avec ces gens là (du moins ceux d’entre eux qui acceptent l’échange). Il faut les écouter puis exposer ses points de vue et enfin essayer de les convaincre. L’exclusion n’a jamais été une solution.
Si on a le courage de dire cela, on peut être catalogué par les extrémistes de toute part et être condamné par les uns comme par les autres. Ce n’est point le plus important… mais c’est dangereux. Car si ײles élitesײ des deux tendances (les religieux et les non religieux pour faire simple) n’apprennent à leurs disciples que la haine de l’autre et l’art de l’exclure, alors on ne peut s’attendre qu’au pire et… adieu la vie en commun.