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Islamiqua | L'islam et son image
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15 mai 2009

Réformes dans le Monde Arabe: Anthropologie de la peur

ikbel_al_gharbi

Certains arabes  sont contre les réformes imposées de l’extérieur. Ils ont peur !

Paradoxalement, c’est la religion et la culture, dont les finalités sont  la solidarité est la fraternité entre tous les hommes,  qui se trouvent mobilisées et instrumentalisées au service de ce refus. Ces intellectuels arborent  certains particularismes ethniques et culturels pour légitimer leur réticence vis à vis de toute tentative de rénovation et ainsi pour éterniser le statu quo. En réalité ce narcissisme des petites différences traduit leur  peur du changement, leur angoisse d’être englouti par l’inconnu, par l’Autre qui risque de mettre en péril notre religion, notre morale, notre famille, notre ordre éternel des choses. La résistance au changement, le refus des réformes proviennent des pulsions archaïques, de l'instinct  de survie dans sa forme élémentaire,  l'instinct de durer  éternellement, de demeurer tel,  de ne pas changer, de ne pas vieillir, de ne pas mourir.   

La propagande actuelle qui sévit aussi bien en Orient qu’en Occident et qui ‘‘satanise’’ l 'Autre   procure une légitimité a ces pulsions inconscientes. Elle renie le réel dans sa totalité et dans son ambiguïté et le réduit à une confrontation Orient / Occident ou Nord /Sud. C’est en brandissant la haine de l’Autre que certains refusent des réformes politiques et sociales qui cristallisent pourtant les vœux les plus chers d’une  partie non négligeable de leurs compatriotes. En effet, les thèses islamistes et nationalistes, ainsi que leurs  discours mobilisateurs  incantatoires, envoûtants de défense de l’identité, de préservation de la culture et de la religion, certes, séduisent, actuellement, les foules mais installent les peuples dans l’illusion de la certitude et non dans la véritable quête du savoir. Objectivement, leur véritable finalité est de raffermir les pouvoirs en places, de neutraliser le doute intérieur et de leur faire bénéficier du consensus. L’Histoire nous enseigne que tous les régimes oligarchiques recourent aux mêmes mythifications qui consistent à propager l’idée que sans l’action de nos ennemis traditionnels, l’impérialisme  mondial et le sionisme international et leurs alliés qui complotent sans cesse contre nous, nous connaîtrions depuis longtemps l’âge d’or !

Dans ces conditions accepter des plans de réformes internationaux  c’est reconnaître nos égarements passés, nos erreurs historiques, notre impuissance à réaliser des changements  politiques et sociaux qui s’imposaient depuis longtemps. C’est admettre que nous sommes seuls responsables de notre léthargie et sans excuses. Cela brisera  certainement plusieurs illusions.

▪▪▪

Actuellement, cet occident mécréant est aujourd’hui l’ennemi rêvé. Dans la morosité de notre vie idéologique, il constitue un ferment des plus féconds. Ses thèses nous sont une source intarissable d’inspiration, elles deviennent le moteur de notre vie intellectuelle. En terre arabe, la vie de l’esprit se résume souvent à un vaste parasitisme idéologique qui tire sa nourriture de corps de ses ennemis extérieurs et intérieurs. En effet, excepté ces batailles intellectuelles contre «les ingérences étrangères» qui veulent nous imposer «leurs» réformes, «leurs» démocratie et «leurs»» droits de l’homme, à tous les niveaux règne le meilleur des mondes. Dans chaque pays arabe domine la parole unique. Chaque jour, des voix monotones, à la radio et à la télévision, déferlent, sans trêves, les chiffres de la production, les pourcentages, des statistiques expliquant les performances réalisées. On nous explique systématiquement que la production  des pommes de terre progresse, qu’il y a des fruits dans les marchés, qu’on construit des routes, qu’on bâtit des maisons, que les enfants vont à l’école. Comme si dans le monde actuel, à l’aube du troisième millénaire, cela tenait au miracle. Comme s’il fallait pour ce la bénir chaque matin notre bonne étoile qui nous a permis d’être citoyen de ce pays arabe. Comme si on veut nous donner l’impression que ce bien être n’a commencé qu’avec l’avènement des pouvoirs en place ! En  outre, en terre arabe, et comme l’a déjà remarqué le penseur Guy Debord, règne le spectaculaire concentré. On rassemble, à l’extrême, sur un seul homme, tout l’admirable étatiquement garanti, indiscutable, qu’il s’agit d’applaudir et de consommer passivement. Là où le sous-développement du marché mondial ne permet pas l’abondance et la réalisation de soi par le consumérisme, on ramène la consommation au pur regard. L’image du pouvoir, dans lequel ce regard doit trouver tout son bonheur, est omniprésente. Elle remplit les aéroports et les salles de classes, les villes et les campagnes! Le leader cristallise toutes les qualités socialement reconnues. Il est penseur, philosophe, athlète, génial conducteur des peuples! Ses discours sont disséqués durant des mois dans la presse locale qui y puise des originalités insoupçonnables. Sa pensé est conceptualisé par des intellectuels dans des livres et des encyclopédies.

Une armée de courtisans, de «fonctionnaires de la Vérité», peine sans répit à consolider cette parole unique. Un arsenal de surveillance, de quadrillage  traque toute parole dissidente, autonome, non autorisée. On contrôle les informations, on filtre les journaux étrangers, on masque les sites électroniques. La moindre allusion est suspecte. Cela peut nous étonner et nous paraître excessif. Néanmoins, en terre arabe, nous sommes les seuls à savoir à quel point cela porte à conséquence ! 

Les plans occidentaux de réforme visent à mettre un terme à cette confiscation de la parole. Leur objectif est l’instauration de la liberté  de pensée et d’expression.

Les adversaires de réformes le savent précisément.  Peuvent-ils  faire le deuil de cette parole unique et autoriser un partage citoyen de la parole ? Rien n’est moins sûr ! Un partage démocratique qui vise à prendre en compte la parole émise par chaque citoyen et qui fera le socle de la justice et de la démocratie sapera leurs privilèges symboliques et matériels. Dans ces conditions, un appui étranger s’avère indispensable pour l’accélération de l’Histoire.

_______________

* Ikbal al Gharbi est professeure de psychologie et des sciences de l’éducation à L’Institut supérieur des sciences religieuses, ainsi que directrice du Centre de l’innovation pédagogique, à l’université Ezzeytouna en Tunisie. Elle est aussi psychologue, docteur en anthropologie, consultante auprès des Nations Unies et elle s’occupe de la réforme dans le monde arabe.

ahikbal@yahoo.fr

Une critique, une suggestion, un complément d’information ? … merci de poser vos commentaires

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Commentaires
B
Je ne comprends pas l'article. On dirait qu'il parle d'un autre monde...<br /> <br /> Les dirigeants actuels du dit monde arabe tout au contraire instrumentalise la question du changement à leur propres fins. Ils prétendent que toute opposition à leur politique vient de courant contre le progrès et le changement.<br /> <br /> S'ils s'opposent à des soit disant pressions extérieures en évoquant des prétextes culturalistes, ils le font également pour repousser leurs voisins.<br /> <br /> Exemple : le ministre tunisien qui parlait du voile islamique comme une coutume sectaire venant d'Orient. Le gouvernement marocain qui a renvoyé l'ambassadeur d'Iran pour avoir soit-disant voulu répandre le chiisme. Etc. etc.<br /> <br /> Comme le dit l'auteur "l’illusion de la certitude et non dans la véritable quête du savoir". <br /> <br /> Finalement l'auteure accouche finalement de son idée maitresse :<br /> "accepter des plans de réformes internationaux"<br /> au nom du refus de la peur de l'Autre (on se demande bien le quel ?!) et du refus de l'opposition Occident/Orient et Nord/Sud qui est pourtant la réalité fondamentale de notre monde... C'est d'ailleurs au nom de l'arriération du Sud-Orient que l'auteure réclame la soumission aux "plans internationaux".<br /> <br /> Sous le terme internationale rien n'est neutre, il s'agit bien de suivre telle ou telle groupe. Or les gouvernements actuels suivent en effet les "plans internationaux".<br /> <br /> Aucun n'a en effet soutenu le Hamas, tous ont des relations cordiales avec l'Union Européenne et les USA. Et certains de ces états sont carrément récompensés par les puissances Occident-Nord pour leurs bons et loyaux service. Et en premier lieu les plus dociles. C'est à dire la Tunisie et le Maroc...<br /> <br /> Suite ensuite un long paragraphe dégoutant, digne des meilleurs écrivains coloniaux et orientalistes déclarant comprendre mieux que quiconque la pensée arabe, l'idée arabe etc. etc.<br /> <br /> Quelle analyse culturelle dégoutante qui finit par une critique des "fonctionnaires de la Vérité" qui sont en effet désigné comme les membres du Parti Politique Dominant le Hizb.<br /> <br /> C'est d'une aberration sachant la structure sociologique et culturelle de cette élite de fonctionnaires. Tous ou presque ont fait leurs études dans les meilleurs établissements nationaux ou internationaux, sont tout à fait pour l'applications des réformes internationales.<br /> <br /> Les plans occidentaux. Car l'auteur finit par le dire. Ils ne sont pas du tout internationaux. Ils viennent de l'Occident, donc nommons les : de Paris, ex puissance coloniale, et de Washington, capitale impériale.<br /> <br /> Ces plans qui ont accouchés des réformes structurelles économiques qui ont été mises en place en Tunisie depuis justement le début des années 80 et la politique de libéralisation.<br /> <br /> Qui peut sérieusement affirmer aujourd'hui que les dirigeants du monde arabe ne sont pas soutenus par l'Occident et ne mettent pas en oeuvre les plans internationaux ? Leurs attachement aux particularismes et leur façon de traiter leur peuple de façon infantile est encouragé dans des ouvrages faisant l'éloge de la modernité et du progressisme made in Tunisia...<br /> <br /> Cette idée que le peuple est un enfant et qu'il faut lui imposer des PLANS venant de l'Occident ou venant de l'Oligarchie Nationale est en réalité partagé par aussi bien l'auteure de ce texte que par ceux qu'elles critiquent. <br /> <br /> Finalement ce texte ce n'est qu'une critique personnelle du parti politique au pouvoir en Tunisie et de la société tunisienne et une généralisation à l'ensemble du monde arabe...<br /> <br /> En résumé, il ne s'agit rien de moins qu'un :<br /> "Pousse-toi que je m'y mette"
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