Talbi le croyant, Talbi l’intolérant
Si j’avais à présenter l’avant dernier ouvrage du professeur Mohamed Talbi, je dirais qu’il s’agit d’un livre de riposte. Ce que l’auteur lui même considère comme la première partie d’une trilogie-testamentaire (dont la deuxième partie vient juste d’être publiée) est un livre écrit non par l’historien ni encore par le libre penseur Mohammed Talbi comme on avait l’habitude de le qualifier (voir ici), mais plutôt par Talbi le religieux pour ne pas dire l’homme de religion. En effet, tout au long des 294 pages de « Pour que mon cœur s’apaise. Première partie : la question de la foi »* (liyatmaina Kalbi. Kadiat al imen), on découvre un autre Talbi : un homme profondément croyant et qui peut être –par certaines de ses prises de positions- intolérant.
Un homme profondément croyant
Malgré l’avertissement qu’il nous livre dès la première ligne de son ouvrage : « Je ne vise pas à travers ce livre la défense du Coran, le Coran se défend tout seul et il n’a nul besoin de nous pour le faire », on ne peut -après lecture de l’ouvrage- que contester la véracité de cette affirmation : Non seulement le livre est une défense acharnée du Coran (et de l’islam en général) mais il est un réquisitoire contre tous ceux qui peuvent avoir des idées contraires à celles de Mr Talbi (des plus tolérants aux plus fanatiques).
Le livre est donc une riposte, d’une part, à certains musulmans qui critiquent une certaine vision de l’islam, et d’autre part, aux chrétiens qui profiteraient des faiblesses actuelles des musulmans pour attaquer leur religion. Et les propos de Talbi –pour les uns comme pour les autres- seront d’une dureté surprenante dans un ouvrage où il nous explique par ailleurs comment et pourquoi –contrairement à plusieurs autres intellectuels qui ont suivi son chemin, fait des études semblables aux siennes- lui est resté profondément croyant alors qu’eux, sous couvert de critiques et de modernité, ont fini par abandonner l’islam.
Un homme qui peut être intolérant
Dans cette première partie de son testament, Mohamed Talbi aura deux cibles principales : le professeur Abdelmajid Charfi et le Christianisme.
Le premier aura droit à plus de 60 pages de critiques et d’insultes et le second à plus de 90 pages de relecture historique.
L’auteur nous informera que sa démarche est basée sur le respect de l’autre, que son but n’est pas de convaincre cet autre mais de s’auto-convaincre. Mais pour mériter le respect, Talbi exige que cet autre respecte lui aussi un certain nombre de principes et en premier lieu, il doit jouer franc jeu. Ainsi, pour mériter le respect, Talbi exige que ses adversaires enlèvent leurs masques et indiquent clairement leurs idées et leurs engagements. Or considérant que ses deux ennemis (Abdelmajid Charfi et le Christianisme) ne respectent pas les règles du jeu et usent des masques dans leurs attaques contre l’islam, Mohammed Talbi ne les respectera point et sera très dur à leur encontre. D’où la transformation (surprenante) de notre grand essayiste en un intolérant vis-à-vis de ceux qu’ils considèrent comme menteurs et imposteurs.
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J’ai été surpris en lisant ce livre par le nombre d’injures qu’il contient et je dirais même par la haine que son auteur dégage à l’encontre de ceux qui ne sont pas d’accord avec lui et en particulier Abdelmajid Charfi.
Mais, malgré cela, j’ai -encore une fois- appris beaucoup de choses en lisant cette première partie du Testament de Talbi écrite remarquablement en arabe.
Faut-il admirer alors ce que Mr Talbi a écrit dans cet ouvrage ou plutôt lui en vouloir pour les nombreux dérapages qui ont faussés la beauté du texte ?
Il m’est très difficile de juger une institution comme Mohammed Talbi sur la base d’un seul livre alors même que l’œuvre de l’homme est grandiose. Mais à travers la lecture que je vous propose, j’espère que vous aurez quelques éléments de réponses.
A suivre …
A lire aussi sur Mohammed Talbi :
- Talbi, libre penseur de l’islam
- « Il faut choisir entre la charia et l’islam » (1)
- « Il faut choisir entre la charia et l’islam » (2)