Violence et obscurantisme de l’intégrisme islamique
Violence et obscurantisme de l’intégrisme islamique
Par : Mohamed Charfi
Les islamistes pensent agir selon la volonté de Dieu. Voilà pourquoi le terroriste algérien qui tue un père blanc de nationalité algérienne ancien militant pour l’indépendance, pour la seule raison qu’il est chrétien, ou qui égorge une petite fille pour la seule raison qu’elle ne porte pas le voile, ou encore qui tue un bébé parce qu’il est l’enfant d’un policier, ce terroriste ne pense pas à l’horreur de son geste et pense sincèrement, s’il est un simple militant de base, que, par son comportement, il se réserve une place au Paradis.
Peu importe que l’intégriste soit au pouvoir ou dans l’opposition ; peu importe qu’il s’oppose à un régime autoritaire ou démocratique ; la violence est pour lui un moyen d’action normal, légitimé par la noble fin qui est l’instauration du Royaume de Dieu. D’autant que la violence qu’il exerce lui rappelle le gihad qu’on a tant vanté devant lui. On lui a appris que c’est la meilleur des prières, le plus beau des actes de dévotion, que c’est ainsi que le Prophète avait réussi à triompher des méchants mécréants. Il s’agit du militant de base qui est le produit d’une culture, d’une histoire et surtout d’une éducation particulière. Quant aux dirigeants, qui sont aussi les produits des mêmes facteurs, ils ont suffisamment d’intelligence et de recul pour mesurer l’ampleur de leurs méfaits et maquiller leur idéologie.
Les dirigeants islamistes ont appris à parler à l’Occident le langage qu’il comprend et qu’il affectionne à juste titre : celui de la démocratie et des droits de l’homme. C’est un fonds de commerce rentable, une bonne couverture. Cependant aussi solide que soit cette couverture, elle ne peut pas tout couvrir.
Elle ne peut pas couvrir les attentats, embuscades et assassinats occasionnés par les conflits entre extrémistes sunnites et chi’ites à Karachi en 1995.
Pourtant, le gouvernement pakistanais est issu d’élections régulières ! Comment couvrir cette « avancée technologique majeure », annoncée fièrement par le Conseil suprême iranien de justice en février 1985, qui est la mise au point d’une machine électrique par des médecins et des techniciens iraniens pour couper les mains des voleurs ? Ce « bijou technologique iranien » a été sans doute utilisé en avril de la même année pour l’amputation des mains de cinq voleurs au moment même ou deux personnes accusées d’adultère ont été exécutées par lapidation et 160 autres flagellés pour divers actes illicites.
Depuis, ces pratiques ont dépassé le stade expérimental pour être généralisées. Le nouveau code pénal iranien, entré en vigueur le 9 juillet 1996, instaure officiellement la flagellation comme peine « normale » pour divers délits politiques ou de droit commun : notamment 74 coups de fouet pour la femme aperçue non voilée dans un lieu public, 99 coups de fouet pour les auteurs de relations sexuelles hors mariage et la peine de mort par lapidation pour les auteurs d’adultère. Ajoutons que la peine capitale est prévue pour toute offense contre le fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeiny décédé en juin 1989 ou son successeur l’ayatollah Ali Khamanei.
De son coté, Hassan Tourabi, pendant les quelques mois où il a été le ministre de la justice du gouvernement de Noumeiry au Soudan, a appliqué 96 fois le châtiment de l’amputation du poing aux voleurs selon les statistiques d’Amnesty International publiées en 1986.
Ce même Tourabi, devenu l’idéologue du nouveau régime islamiste du Soudan, et qui se veut actuellement le chef de l’Internationale islamiste, est souvent interviewé par les télévisions occidentales. Avec l’allure sympathique que lui donne sa petite barbe blanche, son visage toujours souriant et son anglais châtié, il parle de science, de progrès, de démocratie, de modernité, de droits de l’homme et passe aux yeux de certains Occidentaux pour un intellectuel islamiste modéré. Pourtant, il n’a rien regretté des crimes qu’il avait commis quand il avait la charge de la justice soudanaise, il n’a jamais prononcé la moindre autocritique concernant la condamnation à mort et l’exécution, sous couvert d’apostasie, de son adversaire politique, Mahmoud Mohamed Taha, et il vient en plus de rendre hommage aux auteurs de la tentative d’assassinat, le 26 juin 1995 à Addis-Abeba, du Président Hosni Moubarek, ce « groupe de moujahidines » (combattants de la foi) qui, selon rson expression, « a pourchassé le Pharaon d’Egypte ». Et d’ajouté : « Allah veut que l’islam revive à partir du Soudan et qu’il remonte le Nil pour nettoyer l’Egypte de la souillure.»
Quant au sort que les islamistes réservent aux femmes, il est aujourd’hui bien connu. De nombreux livres ont dénoncé les souffrances infligées au sexe féminin, aussi bien dans les pays de l’islamisme militant comme l’Iran que dans ceux de l’islamisme traditionnel.
Les intégristes ont beau critiqué ces prétendus « ouvrages de propagande occidentale », ils ne peuvent pas convaincre ; surtout lorsque les dénonciations sont faites par des auteurs musulmans qui décrivent les mauvais traitements réservés, dans certains pays musulmans, aux épouses étrangères ou, pire encore, des scènes de lapidation.
Le nouveau code pénal iranien vient de garantir l’impunité au mari offensé qui surprend son épouse avec son amant et les tue. De toute façon ils étaient destinés à être tués ; et mourir d’un coup de revolver ou même de couteau est sûrement moins pénible que la mort par lapidation. Rappelons que, selon les uléma (docteurs de la charia), lors de la lapidation, il ne faut pas jeter de grosses pierres car elles risquent de tuer trop vite ; il ne faut jeter que des cailloux ou des petites pierres pour faire durer la souffrance au maximum avant la mort. Mais le même droit de tuer n’est pas reconnu officiellement à la femme offensée. Après tout, ce n’est qu’une femme. D’ailleurs son mari peut la tromper le plus légalement du monde avec une deuxième, une troisième et une quatrième épouse. Et même s’il en a déjà quatre, il peut toujours dire, à celle de ses épouses qui l’a surpris en flagrant délit, qu’il venait, cinq minutes avant, de la répudier (pour ce faire, aucune formalité n’est nécessaire en droit musulman, pas même l’information de l’épouse répudiée) et de contracter mariage avec la maîtresse actuelle.
Source : Mohamed Charfi, « Islam et liberté, le malentendu historique », Casbah Edition, Alger, 2000, pp 26-29.