L'histoire du wahhabisme : 4- Le wahhabisme menace l'islam
A travers, les extraits du livre de Bernard Lewis d’une part et l’interview de Hamadi Redissi d’autre part sur le wahhabisme, j’ai voulu ouvrir un débat sur la responsabilité de la doctrine wahhabite dans la décadence de la civilisation islamique.
La doctrine wahhabite, du nom de son initiateur Mohammed Ibn Abdelwahab peut être définie comme étant un courant de pensée rigoriste lancé dans le désert saoudien il y a plus d’un siècle et qui –sous prétexte ou dans le but- de « purifier » l’islam de certaines pratiques qu’il jugeait anti-islamique, à introduit une rigidité et une intolérance envers tout ce qui ne correspond pas à ce que les wahhabites considèrent comme « islamiquement correcte ».
À ce stade de l’analyse, je suis d’accord avec Bernard Lewis lorsqu’il écrit que sans les revenus du pétrole, le wahhabisme serait resté « un groupe extrémiste et marginal dans une contrée périphérique ».
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Le problème est donc le passage d’une doctrine qui n’était partagé que par un nombre réduit de partisans, à une doctrine qui souhaite être diffusée partout dans le monde.
Cela donnera lieu à l’ensemble des problèmes que nous avons avec le wahhabisme :
Le premier de ces problèmes réside dans le fait que nous n’avons vu le danger de cette doctrine qu’une fois ses bases et ses théories enracinées dans la culture et même la mentalité des musulmans. Car aujourd’hui ce que certains croient être des obligations et des rites musulmans, s’avèrent être souvent des recommandations qui émanent du wahhabisme.
Sans exagération et en excluant quelques pays musulmans, nous pouvons même dire qu’aujourd’hui il n’y a plus un islam sunnite et un islam chiite mais il y a un islam wahhabite et un islam chiite.
Comment expliquer cette situation ?
Je pense que l’explication se trouve dans le pacte qui a été fait dès l’origine entre la famille Saoud et Ibn Abdelwahab. Un pacte qui se résume dans ce qui suit : Ibn Abdelwahab accorde sa bénédiction à la famille royale saoudienne et en contre partie, cette dernière se charge de la diffusion et de la protection du wahhabisme.
Pour ce qui est de la diffusion, il semble que le pari est gagné :
Faites un tour du coté des librairies (arabes ou occidentales) et vous ne trouverez en terme de production religieuse doctrinale que des écrivains qui se rattachent de près ou de loin au wahhabisme. A voir cette production, on serait amené à penser que le monde musulman avec ses 60 pays (23 arabes) n’a connu que les penseurs d’un seul est unique Etat : l’Arabie Saoudite !
Vous l’auriez sans doute deviné, l’explication se trouve ailleurs :
Si aujourd’hui vous ne trouvez dans les librairies ou les Foires de livres qu’une production wahhabite c’est à cause de l’utilisation de l’argent du pétrole saoudien dans la diffusion de cette doctrine. Partout ; dans les mosquées, dans les rues, dans les librairies, dans les foires… vous pouvez acheter à des prix qui écrasent toutes concurrence des ouvrages de religieux wahhabites.
J’ai fait l’expérience à plusieurs reprises, la dernière fut à la Foire du livre de Tunis qui s’est tenue entre le 24 avril et le 4 mai dernier, où malgré les efforts déployés pour limiter l’accès « des obscurantistes » (selon les propos des organisateurs), le livre religieux wahhabite était présent comme d’habitude et vous pouviez acheter un livre de 5 tomes, nouvelle édition, avec une excellente qualité de feuilles et de couverture à un prix qui ne dépassait pas les… 15 dinars (moins de 10 euros) !
Lorsque vous avez d’une part une production exclusivement wahhabite et d’autre part des prix incroyablement bas, il est normal que vous soyez tenter par l’achat de tels ouvrages qui seront par la suite vos références en matière islamique.
C’est ainsi que la doctrine wahhabite s’est diffusée et qu’il est devenu aujourd’hui très difficile de la critiquer ou de la remettre en question.
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Fort de l’argent du pétrole, les wahhabites ont réussi à faire de leur doctrine une véritable orthodoxie au point que certain peuvent vous accuser -si jamais vous osez critiquer le wahhabisme- d’apostat et d’ennemi de l’islam. Et là réside le second problème de notre relation avec le wahhabisme. C’est le problème de la sacralité.
En effet, les religieux et les politiques saoudiens protègent et sacralisent cette doctrine en refusant toutes critiques :
Pour ce qui est des religieux, j’ai été surpris il y a quelques années suite à l’écoute d’un enregistrement sonore d’un imminent cheikh saoudien qui parlait de Ibn Abdelwahab. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais entendu un cheikh sacralisé quelqu’un d’autre que le Prophète de l’islam (et encore). Aucune autre personne n’avait droit à ce privilège et tout le monde été d’accord pour dire que tous les hommes peuvent être critiqués.
Tous sauf … Ibn Abdelwahab, l’homme parfait, qui ne le fut pas seulement dans sa vie d’homme de religion mais aussi dans sa vie privée.
Quant aux politiques, un seul exemple suffit à démontrer la sacralité du wahhabisme aux yeux des autorités saoudiennes.
En effet, les relations diplomatiques entre l’Arabie Saoudite et le Qatar viennent tout juste d’être rétabli suite à une rupture de plusieurs années.
La cause de cette rupture ?
Un programme télévisé diffusé par la chaîne Al-Jazira qui fut extrêmement critique pour le Wahhabisme.
Résultat : l’Arabie Saoudite rompt ses relations diplomatiques avec Doha et décide de lancer Al Arabia, une chaîne concurrente d’Al Jazira.
Ainsi, l’argent du pétrole d’une part et la sacralité qui l’entoure d’autre part ont fait du wahhabisme non seulement une doctrine à l’intérieur de l’islam mais une secte qui menace l’islam.