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Islamiqua | L'islam et son image
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6 octobre 2006

Peut on encore critiquer l’Islam ? (1)

dilem_papeTelle est la question qui se pose aujourd’hui en Occident en général et en France en particulier. Sommes nous en mesure, en droit, de considérer que l’islam, comme toute autre chose doit subir les analyses critiques les plus diverses et les plus dures. Ou bien il en sera pour l’islam comme il est pour l’holocauste juif, une question taboue à laquelle on peut y penser sans pour autant avoir des idées négationnistes et ce même en se basant sur l’histoire.

Je ne sais pas ce que pense la majorité des juifs sur cette interdiction, mais en tant que musulman je suis farouchement opposé à ce qu’il en devient ainsi pour l’islam. Abordé l’islam sous des termes critiques ne doit jamais être sanctionné, les musulmans ont besoin de voir autre chose que leurs propres réalités.

Or, on ne peut constater que leur refus intense pour toute critique adressée à leur religion ainsi que leur recours incompréhensible et inacceptable à l’art des menaces et des intimidations envers toute personne qui dérange leur conception de l’islam.

Ce fut ainsi, comme nous informe Libération avec « la décision de la directrice du Deutsche Oper de Berlin de déprogrammer quatre représentations de l'opéra de Mozart Idoménée. Dans la mise en scène signée par l'iconoclaste Hans Neuenfels, le roi de Crète Idoménée apporte en effet les têtes tranchées de Poséidon, Jésus, Bouddha et Mahomet, qu'il pose sur quatre chaises. »

Mais, si cette déprogrammation, n’avait de raison que la peur des probables manifestations des musulmans face à l’injure, la situation est plus préoccupante quant aux réactions contre le pape d’une part et le philosophe Robert Redeker d’autre part.

Est ce que leurs propos justifient les menaces et les insultes auxquelles ils ont eu droit ?

Le pape Benoît XVI s’est attiré les foudres des musulmans pour avoir dit :

« … Dans le septième entretien (διάλεξις - controverse) édité par le professeur Khoury, l'empereur aborde le thème du djihad, de la guerre sainte. Assurément, l'empereur savait que dans la sourate 2, 256 on peut lire: "Pas de contraintes en matière de foi". C'est l'une des sourates de la période initiale, disent les spécialistes, lorsque Mahomet lui-même n'avait encore aucun pouvoir et était menacé. Mais, naturellement, l'empereur connaissait aussi les dispositions, développées par la suite et fixées dans le Coran, à propos de la guerre sainte. Sans s'arrêter sur les détails, tels que la différence de traitement entre ceux qui possèdent le "Livre" et les "incrédules", l'empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s'adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant: "Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l'épée la foi qu'il prêchait". L'empereur après s'être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l'âme. "Dieu n'apprécie pas le sang - dit-il -, ne pas agir selon la raison, "σὺν λόγω", est contraire à la nature de Dieu. La foi est le fruit de l'âme, non du corps. Celui, par conséquent, qui veut conduire quelqu'un à la foi a besoin de la capacité de bien parler et de raisonner correctement, et non de la violence et de la menace... Pour convaincre une âme raisonnable, il n'est pas besoin de disposer ni de son bras, ni d'instrument pour frapper, ni de quelqu'autre moyen que ce soit avec lequel on pourrait menacer une personne de mort...".

L'affirmation décisive dans cette argumentation contre la conversion au moyen de la violence est: ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. Le philologue Théodore Khoury commente ainsi: pour l'empereur, un Byzantin qui a grandi dans la philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, en revanche, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable. Dans ce contexte, Khoury cite une oeuvre du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui explique que Ibn Hazm va jusqu'à déclarer que Dieu ne serait pas même lié par sa propre parole et que rien ne l'obligerait à nous révéler la vérité. Si cela était sa volonté, l'homme devrait même pratiquer l'idolâtrie.
»

C’est ce passage (et plus précisément la phrase soulignée en gras) qui a soulevé les critiques, indignations, et manifestations des musulmans dans tout le monde.

Quant aux intellectuels et journalistes musulmans, ils ont eux des idées contradictoires sur la question :

Magdi Allam pense que « Les considérations faite par le  Pape, en citant l'empereur byzantin Manuel II Paleologos, sur la diffusion de l'islam par l'épée, soit de la part de Mohamed à l'intérieur de la Péninsule Arabique soit de la part de ses successeurs dans le reste du monde (avec certaines exceptions), sont un fait historique incontestable ». (Voir Islamiqua du 2 octobre) 

Le philosophe et anthropologue tunisien, Youssef Seddik, auteur aux éditions de l’Aube du livre « Nous n’avons jamais lu le Coran », considère au contraire que les déclarations du pape ne sont que la continuation des injures que subit l’islam depuis déjà quelques années:

« Il y en a assez ! -dit-il- Assez de prendre l’islam pour une religion exotique à l’usage des mauvais anthropologues pressés de faire la une des médias friands de sensationnel » avant d’adresser quelques conseils au pape : « Votre Sainteté, arrêtez de dire que l’islam est une religion de guerre ! Ne cédez pas à la facilité de relayer les préjugés de vos ouailles les moins férues en religion. Par le Christ, épargnez-nous votre littérature en matière d’islam. Ou lisez, lisez, Votre Sainteté ! Le premier mot du Coran est celui-ci : « Lis ! ». Après, nous parlerons. Plus encore, nous dialoguerons. » (Jeune Afrique n° 2386)

Ces deux positions : celle de Magdi Allam d’une part, et celle de Youssef Seddik , d’autre part me semble à ‘‘coté de la plaque’’ :

Non, le pape n’a pas dit des vérités historiques comme le souligne Allam, le pape a rapporté les propos d’un empereur qui était assiégé dans son palais par les forces musulmans et qui fut donc hostile à l’expansion de l’islam.

Il est donc tout à fait normal que son point de vue soit subjectif et pas du tout objectif comme veut nous faire croire Allam.

« Votre Sainteté, arrêtez de dire que l’islam est une religion de guerre » tel est le message, cette fois-ci, de Youssef Seddik au pape.

Mais, le pape n’a jamais dit que l’islam est une religion de guerre, le pape en tant qu’ancien professeur à l’université de Ratisbonne en Allemagne a cité pour ses étudiants le point de vue de l’empereur byzantin Manuel II Paleologos à propos de l’islam : lui il n’a rien dit, il n’a fait que transmettre un point de vue !

Il semblerait qu'aussi bien Magdi Allam que Youssef Seddik, n’ont rien compris aux propos du pape.

***

Heureusement, il semble que quelqu’un à compris ce que Benoît XVI voulait dire.

Il s’agit de l’islamologue et président du European Muslim Network, Tariq Ramadan qui a exposé son point de vue sur la question à diverses reprises et notamment dans un article publié sur son blog et au cours d’un débat avec les internautes du Monde.fr

Pour Ramadan, « Ce qui est le plus troublant au cœur de cette crise c’est que les commentateurs en général, et les musulmans en particulier, semblent passer à côté du vrai débat qu’a engagé le Pape Benoît XVI. Dans sa leçon académique, il expose une double thèse accompagnée de deux messages. Aux rationalistes laïques, qui voudraient débarrasser les Lumières de la référence chrétienne, il rappelle que cette dernière participe de l’identité européenne et qu’il leur sera impossible de dialoguer avec les autres religions s’ils nient le socle chrétien de leur identité (qu’ils soient croyants ou non). Puis, en parlant du lien entre la foi et la raison et en insistant sur la relation privilégiée de la tradition rationaliste grecque et de la religion chrétienne, le Pape tente de définir l’identité européenne qui serait d’abord chrétienne par la foi et grecque par la raison philosophique. L’islam, qui ne connaîtrait pas cette relation à la raison, serait en somme étranger à l’identité européenne qui s’est construite à travers cet héritage. C’est au nom de cette compréhension que le Cardinal Ratzinger avait exposé il y a quelques années son refus de l’intégration de la Turquie à l’Europe : la Turquie, musulmane, ne fut jamais et ne saurait être authentiquement de culture européenne. Elle est autre, elle est l’autre. 

De façon bien plus essentielle que le propos sur le jihâd, ce sont ces messages qu’il faut entendre et auxquels il faut répondre. Le Pape Benoît XVI est un brillant théologien qui cherche à poser les principes et le cadre du débat concernant l’identité passée, présente et future de l’Europe. Il s’agit d’un Pape très européen qui appelle les peuples du continent à prendre conscience du caractère central et incontournable du christianisme s’ils tiennent à ne pas perdre leur identité. Ce message est peut-être légitime en ces temps de crise identitaire mais il est surtout troublant et potentiellement dangereux puisqu’il opère une double réduction dans l’approche historique et dans la définition de l’identité européenne.

C’est à cela que les musulmans doivent répondre d’abord en contestant cette lecture de l’histoire de la pensée européenne où le rationalisme musulman n’aurait joué aucun rôle et où on réduirait la contribution arabo-musulmane à la seule traduction des grandes œuvres grecques et romaines. La mémoire sélective qui tend à « oublier » les apports décisifs de penseurs musulmans « rationalistes » tels que al-Farâbî (Xème) Avicenne (XIème) , Averroès (XIIème), al-Ghazâlî (XIIème), Ash-Shatibî (XIIIème), Ibn Khaldun (XIVème) , etc. reconstruit une Europe qui trompe et se trompe sur son passé. A la lumière de cette nécessaire réappropriation, les musulmans devraient montrer, raisonnablement et loin de toute réaction émotive, qu’ils partagent l’essence des valeurs sur lesquelles se fondent l’Europe et l’Occident et que leur tradition a contribué à leur émergence. »

Autrement dit, le pape voulait dire que le christianisme, contrairement à d’autres religions, est parfaitement compatible avec la raison ainsi qu’avec la paix et l’amour. Ce qui est doublement faux :

·         Henri Tincq, journaliste au Monde, nous rappel que, comme pour le reste du monde (et toutes les autres religions), « Le monde chrétien a une longue histoire de violence : les croisades, les inquisitions, les méthodes d’évangélisation musclée dans les terres conquises en Afrique ou en Amérique latine, les conversions forcées, l’antijudaïsme de l’Eglise chrétienne… ».

Donc, on ne peut contester le fait qu’historiquement le christianisme était une religion violente qui n’avait que peu d’intérêt pour la paix et l’amour.

·         Catherine Golliau, journaliste au Point nous rappel à son tour que Luther avait écrit, trois siècle après Saint Thomas d’Aquin que « la raison est la putain du diable ». Et puis, de quelle raison parle le pape Benoît XVI ?     De la raison moderne qui est là pour critiquer et approfondir nos connaissances ou bien d’une raison bien particulière ?

Selon la journaliste, la conception de la raison par le pape est une conception du Moyen Age : « l’esprit critique est là pour approfondir les dogmes, pas pour les critiquer. » Et de continuer « Or si ce sont des foules musulmanes qui brûlent des ambassades après la publication en Europe de caricatures de Mahomet, ce sont des chrétiens qui, aux Etats-Unis, tuent des médecins parce qu’ils pratiquent (légalement) des avortement. »

Prise dans cet angle de vue, la raison que défend Benoît XVI ne se trouve pas très éloignée de celle musulmane, qu’il critique.

***

Mais, au-delà de toutes ces explications, de toutes ces considérations, de l’exactitude ou non des propos du pape, de la pertinence ou non de son intervention, la question la plus importante pour moi est de savoir si le pape à le droit de dire ce qu’il pense de l’islam ?

Je pense, que même si le pape, ou n’importe quel homme sur terre à des critiques infondées et erronées sur l’islam, on doit lui donné la liberté de s’exprimer. Comme disait Mohamed Talbi, si j’interdis à quelqu’un de dire que l’islam est une mauvaise religion, je dois interdire à tout le monde de dire que l’islam est une bonne religion.

***

Je reviendrai sur ce point avec plus de détails dans ma prochaine intervention consacrée à l’article de Robert Redeker.

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Commentaires
A
Vous avez parlé des croisades sans expliquer la raison.
J
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Parfaitement !<br /> <br /> <br /> <br /> Le djihad des musulmans a commencé en 632 : plusieurs pays chrétiens détruits, des millions de chrétiens, de juifs massacrés par les musulmans.<br /> <br /> <br /> <br /> Les chrétiens ont attendu 1095 pour lancer les Croisades contre les brutes musulmanes : plus de 400 ans de patience face à la barbarie.<br /> <br /> <br /> <br /> Quelle patience chrétienne et, en plus, il faudrait s'excuser ?<br /> <br /> <br /> <br /> J A M A I S !!<br /> <br /> <br /> <br /> A bas la barbarie musulmane !!!
A
Bonjour, vous avez évoqué les croisades chrétiennes pour expliquer que cette religion était à cette époque violente Vous oubliez de dire que ces croisades ont été déclenchées par la destruction du tombeau du Christ par le calife de Jérusalem.
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