Magdi Allam : Anti-musulman ou anti-islamiste ?
Magdi Allam, éditorialiste et vice président du prestigieux journal italien Corriere della serra passe en Italie pour être un éminent spécialiste de l’islam et de l’islamisme. Depuis quelques années, il dirige une tribune quasi-quotidienne dans les colonnes de Il Corriere dans laquelle il s’intéresse « aux thèmes les plus débattus en Italie et qui regarde le monde plurale et globalisé : immigration, islam, dialogue entre les civilisations, identité nationale, droits de l’Homme ». Mais, depuis des mois, il consacre ses articles exclusivement à l’Islam et à l’islamisme.
J’ai découvert Magdi Allam après le 11 septembre 2001 sur les plateaux de Rai 1, la chaîne publique italienne dans laquelle on a sollicité ces analyses dans plusieurs émissions dont le plus célèbre programme politique : Porta a Porta.
Et ce n’est que récemment (grâce à internet) que j’ai découvert ces écrits dans Il Corriere della Serra.
Depuis, j’ai essayé de suivre ce qu’il écrit et d’entendre ce qu’il dit afin d’avoir une idée précise sur sa personne et surtout sa pensé.
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L’auteur, d’origine Egyptienne, se déclare musulman mais ses détracteurs jurent qu’il est un copte Egyptien. Les analyses qu’il a fait sur les musulmans et l’islamisme lui ont valu la reconnaissance des médias internationaux ainsi que plusieurs prix et distinctions honorifiques.
Il écrira plusieurs livres a succès mais deviendras très vite la cible d’attaques et de fatwas incitants à sa mort.
Il est vrai que ses propos sur l’islam peuvent choquer. Mais il est vrai aussi que ses analyses sont d’une pertinence telle qu’on ne peut les balayer d’un revers de main. Si quelques-uns le présentent comme un anti-musulman, il me semble plutôt qu’il soit anti-islamiste.
Partant de ce constat, j’ai décidé d’introduire certains des articles de Magdi Allam dans Islamiqua. J’essayerai de traduire les plus intéressants et les plus pertinents de ses écrits. Je partage avec lui certaines de ses conclusions et je conteste d’autres. Mais ce n’est jamais une raison pour bannir des idées remarquablement exposées par leur auteur.
Je critiquerai, sur le fond, certaines de ses prises de positions, et je vous invite à faire de même, mais je ne m’aventurerai pas dans les insultes et les critiques de façade. On n’est pas là pour déclarer le degré de religiosité de telle ou telle personne, on est là pour analyser les idées qui trouvent un fondement logique et réel qu’elles émanent d’un musulman, d’un chrétien, d’un juif, d’un laïque, d’un athées ou de toute autre personne.
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Voici le point de vue de Magdi Allam sur les déclarations du pape Benoît XVI à propos de l’islam.
La vérité de l'histoire
Les musulmans contre le Pape : "il nous a offensés, nous demandons des excuses"
Elle est désolante et préoccupante, l'image des musulmans qui ont donné de la vie à un front international unitaire pour attaquer le Pape et exiger des excuses publiques. De Ben Laden aux Frères Musulmans, du Pakistan à la Turquie, de Al Jazeera à Al Arabiya, a re-émergé cette alliance transversale et universelle déjà émergée à occasion de l'événement des caricatures sur Mohamed. Et qui atteste, en mode claire, que la racine du mal est une aveugle idéologie de la haine opérante entre les musulmans qui violent la foi et terrifient les esprits. Pourquoi jamais des musulmans, surtout les soi-disant modérés, ne se sont pas soulevaient avec tel et tant de violence contre les vrais et éternels profanateurs de islam : les terroristes islamiques qui massacrent les mêmes musulmans au nom du même Dieu, les extrémistes islamiques qui légitiment la destruction d’Israël et inculque la foi dans le soi-disant "martyre" islamique, pendant que maintenant ils se sentent obliger de promouvoir une sorte de "guerre sainte" islamique contre le chef de l'Église catholique qui légitimement exprime ses évaluations sur l'islam, avec respect mais aussi de conscience en la diversité qui naturellement existe entre les deux religions ?
Les considérations faite par le Pape, en citant l'empereur byzantin Manuel II Paléologue, sur la diffusion de l'islam par l'épée, soit de la part de Mohamed à l'intérieur de la Péninsule Arabique soit de la part de ses successeurs dans le reste du monde (avec certaines exceptions), sont un fait historique incontestable. Même le Coran l'atteste ainsi que la réalité du passage de l’islam dans l'ensemble de l'empire byzantin à l’est et au sud de la Méditerranée, puis, l’expansion au nord de l’Europe et à l’est de l’Asie.
Nier la réalité historique est simplement une folie et sa ne peut engendrer que folie. Je me rappelle qu'un plus des important islamologues contemporains, l'égyptien Mohammad Said El Eshmawi, m’a dit dans la moitié des années Quatre-vingt-dix qu'il ne partageait pas tout à fait la conquête militaire - réalisée par les tribus arabes - des Pays chrétiens de la Méditerranée et qu'il aurait préféré qui l'islam soit répandu pacifiquement ainsi comme se produisit dans le sud asiatique. Et bien, le Pape est menacé pour avoir dit ce que chaque musulman honnête et raisonnable devrait accepter : la réalité historique.
La leçon à tirer est que l'Occident et la chrétienté doivent cesser de se considérer la cause de tout ce qui se passe, pour le mieux et pour le pire, au sein l'islam et dans le reste du monde. L'idéologie de la haine est une réalité ancestrale qui existe au sein l'islam depuis ses exordes, pour son refus à reconnaître et à respecter la pluralité des communautés religieuses et ce en raison de la subjectivité du rapport entre le fidèle et Dieu et l'absence d'un unique référent spirituel qui incarne l'absoluité des dogmes de la foi. Et elle est une réalité qui, à partir de la défaite des armées arabes dans la guerre de 1967, a enregistré un incessant cabrage parallèlement à la croissance du pouvoir des extrémistes islamiques de l'Iran à l'Indonésie. Jusqu'à aboutir dans la dérive du terrorisme islamique globalisé, qui a transformé l'Occident même en "fabrique de kamikaze".
Celle-ci est la tragique réalité de l'idéologie de la haine qui réussit à coaguler le consentement entre tous les musulmans imprégnés d’antiaméricanisme, d’anti-occidentalisme et de la hostilité préjudicielle au droit d'Israël à l'existence. Les prétextes qui peuvent déchaîner leur fureur changent, de l'occupation israélienne à la guerre américaine, des caricatures sur Mohamed aux déclarations du Pape. Mais le problème est à l’intérieur de cet islam transformé par les extrémistes d'une foi en Dieu en une idéologie qui tend à imposer un pouvoir théocratique et totalitaire sur tous ceux qui ne sont pas à leur image et ressemblance. Et il m'effraye de constater que même les soi-disant musulmans modérés ont renoncés au sens de la raison et ils se sont alignés à la "guerre sainte" dont ils seront les principales victimes.
Magdi Allam
15 septembre 2006