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Islamiqua | L'islam et son image
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14 juillet 2006

Réformer l’Islam (3) : La laïcité est-elle compatible avec l’islam ?

Si le courage de nos intellectuels réformateurs n’est plus à démontrer, celui de certains de nos médias arabes mérite une acclamation.

Tel est le cas du journal Koweitien Al-Seyassah qui n’a pas hésité à publier un article sur la laïcité musulmane : un tabou dans la majorité des pays arabes.

Pas étonnant dans un pays ou la presse est la plus indépendante et la plus libre du monde arabe.

Al_Naboulsi Vous voici cet article de Shaker Al-Naboulsi dans lequel l’intellectuel jordanien démontre que non seulement la laïcité est compatible avec l’islam mais qu’elle ne lui a jamais été étrangère.

Pour Al-Naboulsi, l’islam est une religion qui a toujours fait la différence entre le religieux et le temporel.

Pour une laïcité musulmane

Beaucoup de lecteurs sourcilleront en lisant ce titre, car l’opinion publique musulmane est convaincue que la religion et la laïcité sont incompatibles.

De nombreux hommes de religion ont accrédités cette idée, à l’instar de Youssef Al-Qaradawi. Selon ce dernier, « la laïcité c’est de l’athéisme ». D’autres dénigrent la laïcité en la présentant comme un concept importé d’Occident, tel Rached Ghannouchi, selon lequel « la laïcité traduit l’influence du modèle occidental en général, et français et communiste en particulier ».

Si le concept de laïcité islamique soulève des protestations, c’est que, de manière générale, les musulmans n’ont pas compris l’expression du deuxième calife Omar disant que le Coran était un « hammal awjah », c'est-à-dire un texte porteur de multiples sens. Cela signifie  que l’on est libre de choisir la lecture que l’on préfère.

Dans leur ensemble, les musulmans continuent de s’insurger contre tous ceux qui lisent le Coran autrement que les autorités religieuses de tel ou tel pays, ce qui est d’autant plus absurde que les lectures ‘officielles’ du Coran ont été fort diverses, même à l’époque contemporaine. Par ailleurs, le Coran est un texte historique et, en tant que tel, on peut lui appliquer des méthodes objectives et neutres qui ne sont destinées ni à l’attaquer, ni à lui faire dire telle ou telle chose.

Il ne s’agit donc pas d’une lecture littérale, adoptée par les salafistes et par beaucoup d’athées qui s’en tiennent strictement au sens des mots sans connaître les spécificités de la langue coranique.

Une telle lecture ne peut qu’aboutir au terrorisme que nous connaissons aujourd’hui.

Le terme de laïcité islamique que nous proposons ici est un moyen efficace de répondre à ces accusations d’athéisme et d’inauthenticité. Car la réalité qu’il couvre est ancienne. Dès les premiers siècles de l’histoire musulmane, en effet, nous pouvons constater que le politique a souvent primé sur le religieux. Sous le premier calife, Abou Bakr (632-634), successeur direct de Mahomet, les convertis de Médine lui dirent que tous les musulmans devaient pouvoir accéder aux postes dirigeants. Abou Bakr leur répondit que les postes de commandement étaient réservés aux musulmans de la première heure, ajoutant que le prince des croyants devait appartenir à la tribu des Qoraichis (tribu de Mahomet) puisque c’était la seule à laquelle obéissaient les Arabes. C’était un raisonnement politique, et non religieux. Ensuite, sous le troisième calife, Othman, la gestation des finances publiques a été dissociée du religieux. Othman avait en effet attribué la part du lion du trésor public et des hauts postes de l’Etat à son propre clan. Il avait également suivi une logique purement politique vis-à-vis de ses opposants, allant jusqu’à chasser dans le désert une personne qui l’avait exhorté à se conformer à la morale religieuse. Quant au premier calife omeyyade (Mu’awiya)), il a totalement dissocié le religieux du politique. Il était arrivé au pouvoir en faisant la guerre à l’homme de religion qu’était le quatrième calife, Ali.

Ainsi, tous les califes ont séparé le religieux du politique. Et l’Empire ottoman a encore accentué cette séparation. Cela était tellement vrai que Kamel Ataturk ne trouva rien de très consistant en face de lui quand il aboulie le califat, en 1924. Les mesures les plus polémiques qu’il ait prises durent quelques interdictions comme celles du pèlerinage durant quelques années, de certains vêtements traditionnels, la transformation de certaines mosquées en musée, etc.

Ces excès, qui font dire à l’intellectuel Mohammed Arkoun que le kémalisme relève de l’autoritarisme communiste et non de la laïcité, expliquent en grand partie les échecs de la laïcité dans le monde arabe.

La laïcité doit être développé de l’intérieur de l’islam, et non être importée de l’extérieur. La seule manière possible de la développer est donc de s’appuyer sur l’héritage musulman.

Mu’awiya, puis les califes suivants, ont d’ailleurs cessé de prier avec la population et ont nommé des imams pour qu’ils le fassent à leur place. Ce partage entre celui qui se charge des affaires de l’Etat et celui qui guide la prière était un autre élément d’une laïcité en gestation.

La laïcité dans le monde arabe doit se développer à partir d’un héritage propre. C’est pour n’avoir pas compris cela, et pour avoir cherché un modèle exogène de laïcité, que de nombreux nationalistes, marxistes, communistes et mêmes islamistes ont échoué. Leurs efforts depuis quasiment un siècle ont été vains. Or, aujourd’hui, une nouvelle génération d’intellectuels, tel l’homme des Lumières Gamal Al-Banna, tienne tête aux religieux fanatiques et affirment que « la religion la plus proche de la laïcité est l’islam ».

L’islam est-il donc porteur d’une forme de laïcité qui pourrait nous réconcilier avec notre époque et enlever les strates de sédiments accumulées depuis mille quatre cents ans ?

En tous cas, on peut affirmer que le Coran, contrairement aux jurisconsultes, laisse une place à la liberté de conscience. Certes, il appelle à croire, mais il ne l’impose pas. « L’élément premier est la volonté de l’homme, alors que Dieu n’intervient qu’après pour bénir » (sourate Mahomet, 17).

De nombreux athées citeront d’autres versets dont la lecture littérale semblera contredire notre argumentation. Il n’en reste pas moins que le principe général de la liberté de conscience est contenu dans le texte coranique. Et ce ne sont pas les guerres contre les apostats (contre les tribus qui étaient revenues sur leur conversion à l’islam) qui prouvent le contraire, puisqu’elles ont été menées pour des impôts impayés, et non pour des raisons religieuses.

Shaker Al-Naboulsi

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Commentaires
W
je suis français es me heurte souvent au radical islamiste <br /> ton site es une vrais oasise<br /> on aimerais entendre ça plus souvent
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